Un enseignement personnalisé dans les hautes écoles
Ces dernières années, la prise en compte de la diversité des profils des étudiant·e·s dans les hautes écoles a gagné en signification. Des postes spécifiques ont donc été créés pour garantir un accès sans entrave et prévenir la discrimination. De plus en plus souvent, des adaptations dans la manière d’enseigner sont aussi demandées. Les mesures de flexibilisation, la différenciation interne, l’individualisation, voire la personnalisation, doivent permettre de mieux tenir compte de la diversité des profils d’étudiant·e·s. Une étude montre comment l’enseignement dans le domaine de la formation au sein d’une haute école pédagogique peut être planifié et dispensé de manière personnalisée.
La diversité comme défi
Les hautes écoles ont toujours accueilli une grande diversité de profils d’étudiant·e·s. Dans la société postmoderne, la prise de conscience de la diversité a gagné en importance: elle se reflète dans les profils d’apprentissage et de performance (par exemple les différentes options spécifiques, options complémentaires et disciplines à option dans les gymnases), dans les parcours de vie (migration, nouvelles études) ou dans les objectifs (employabilité: qualification optimale pour un cas précis dans la profession, préparation à une carrière académique, formation personnelle) (Ewinger, Ternès, Koerbel & Towers, 2016; Lyotard, 2019). Les hautes écoles doivent utiliser cette diversité de manière constructive et promouvoir sciemment la formation d’étudiant·e·s aux profils différents. Dans le même temps, elles sont aussi tenues de garantir des diplômes équivalents et comparables. C’est pourquoi les hautes écoles doivent aligner leurs programmes de formation sur des directives techniques et, parfois, sur des directives politiques pour garantir que tous les étudiant·e·s atteignent des niveaux déterminés.
Si l’on examine l’orientation stratégique des hautes écoles, on s’aperçoit que la mission qui consiste à prendre au sérieux la diversité des profils des étudiant·e·s est largement reconnue1. La diversité, mot dérivé du latin «diversitas», est une notion utilisée en sociologie pour distinguer et reconnaître les caractéristiques de groupes et d’individus. La diversité indique la variété des individus dans un groupe (Wielepp, 2013, p. 364). Contrairement à la notion d’hétérogénéité, le terme de diversité souligne encore plus les points communs (similarités), et donc le capital social et culturel de l’ensemble du groupe (Spelsberg-Papazoglou, 2017, pp. 32-33). Par le biais de processus didactiques, on essaie de développer de manière optimale tout le potentiel d’un groupe, ce qui implique une mise en adéquation des exigences d’apprentissage avec les aptitudes des personnes en formation. Pour ce faire, les objectifs ainsi que les exigences méthodologiques et transversales doivent être placés dans une zone de développement proximal (Vygotskij, 2017). Les exigences en matière d’enseignement doivent donc être ni trop élevées ni trop faibles pour l’ensemble des étudiant·e·s.
Cet article montre comment un enseignement personnalisé peut être dispensé dans le cadre de la formation dans une haute école pédagogique au moyen de décisions de planification et d’exécution. L’enseignement personnalisé se distingue par le fait que les exigences d’apprentissage et la méthodologie sont définies dans une large mesure par les étudiant·e·s en fonction de leurs intérêts, objectifs, possibilités d’apprentissage et performances (Joller-Graf, 2021). L’enseignement personnalisé se démarque donc des mesures de différenciation intérieure et/ou d’individualisation, dans lesquelles les enseignant·e·s procèdent à des adaptations pour certaines parties prenantes, certains groupes de niveau ou certaines personnes en formation. De même, lorsque la séquence temporelle doit être modifiée, mais pas l’offre d’enseignement/d’apprentissage, il ne s’agit pas, dans ce cas, d’un enseignement personnalisé mais d’un enseignement flexible (Joller-Graf, 2021).
L’article repose sur l’étude publiée en 2021 «L’enseignement personnalisé. La diversité à partir d’une perspective didactique dans les hautes écoles» (Joller-Graf, 2021). Dans le cadre de cette étude exploratoire, nous avons examiné comment les chargé·e·s de cours de la Haute école pédagogique de Lucerne mettaient en œuvre, dans leur enseignement, la personnalisation telle que décrite ci-dessus. Pour ce faire, des entretiens axés sur les problématiques ont été menés auprès de six chargé·e·s de cours entre août et octobre 2020. Ces personnes ont précisé qu’elles mettaient en œuvre l’enseignement personnalisé.2 Elles enseignent dans les domaines des sciences de l’éducation, des sciences sociales et de la formation en didactique. Des modules de niveau Bachelor et Master ont été décrits.
Les entretiens ont été structurés au moyen d’un guide. Les chargé·e·s de cours ont été interrogé·e·s sur leur motivation personnelle à mettre en place l’enseignement personnalisé. Elles et ils ont également apporté un éclairage sur la planification des offres d’enseignement personnalisées, sur la mise en œuvre concrète et sur l’évaluation de cette forme d’enseignement. Les chargé·e·s de cours ont résumé les principaux points dans la conclusion. Les résultats ont été exploités sous la forme d’une analyse de contenu globale (Mayring, 2015). Chaque unité de sens fermée, formulée dans l’entretien et qui a pu être identifiée comme support autonome du domaine de l’objet, a été utilisée comme unité de codage. Dans l’analyse, les déclarations ont parfois été paraphrasées ou reprises dans leur forme originale.
Les principales déclarations sur la planification et la mise en œuvre d’un enseignement personnalisé sont présentées ci-après. En conclusion, cet article porte un regard sur les défis de cet enseignement selon les chargé·e·s de cours.
Planification de l’enseignement personnalisé
Les chargé·e·s de cours décrivent un changement de perspective significatif pour la planification. Certes, des efforts ont depuis toujours été consentis pour planifier l’enseignement en se basant sur le point de vue des personnes en formation. Toutefois, la question de savoir comment il est possible de proposer des possibilités qui correspondent de manière optimale aux intérêts individuels, aux objectifs et possibilités d’apprentissage, ainsi qu’aux différentes connaissances préalables, est à première vue très différente de celle de savoir comment les étudiant·e·s peuvent acquérir du mieux possible les connaissances qui leur sont destinées. Il s’agit en principe d’une planification qui applique de manière systématique le passage de l’enseignement vers l’apprentissage (Shift from Teaching to Learning, Barr & Tagg, 1995).
Expériences (préalables) des étudiant·e·s
Comme on peut le constater dans les entretiens, un défi en termes de planification concerne la manière d’intégrer les différentes expériences (préalables) des personnes en formation. Généralement, ces expériences sont ignorées au moment de la planification des modules, car on ne connaît pas encore les étudiant·e·s à ce stade. Si l’on souhaite d’abord faire leur connaissance, l’établissement de la planification devient alors une priorité. Or, cette planification pourrait en grande partie être effectuée seulement après une première rencontre. Un chargé de cours suggère l’idée de programmer des réunions de planification. Par exemple, à la fin du semestre de printemps, on pourrait organiser une première rencontre avec les étudiant·e·s qui composeront le futur groupe de cours, et planifier le module ensemble. En se basant sur cette première rencontre, on pourrait déterminer quelles sont les compétences et expériences (particulières) qui existent au sein du groupe et comment elles pourraient être exploitées. Toutefois, à ce jour, cette idée n’a pas encore été mise en application.
Une autre possibilité est un questionnaire visant à déterminer les attentes. Il serait proposé lors d’une phase préliminaire de la planification du module. Cette possibilité est d’ailleurs mise en œuvre, en particulier lorsqu’une approche personnalisée est prévue seulement pour la seconde moitié du module. Cependant, il ressort des entretiens que les étudiant·e·s ne se sont en général pas encore penché·e·s sur le thème ni sur leurs connaissances préalables à un stade aussi précoce dans le module, et que leurs déclarations à ce sujet sont donc souvent très vagues et non spécifiques.
Il existe aussi des chargé·e·s de cours qui, avec les années d’expérience, peuvent se faire une idée précise de la diversité des expériences préalables et des possibilités des étudiant·e·s. Elles et ils conçoivent alors des offres au choix, adaptées à la diversité la plus élevée que l’on puisse imaginer.
Auto-organisation
Les chargé·e·s de cours placent très tôt l’auto-organisation des étudiant·e·s au cœur de la phase de planification d’un module. Elles et ils réfléchissent aux possibilités offertes aux étudiant·e·s pour pouvoir découvrir elles-mêmes et eux-mêmes des informations sur le thème du module. Dans la formation des enseignant·e·s, des interventions pratiques offrent un accès à différents domaines de travail, ce qui permet d’aborder des problématiques qui les concernent. Les contacts avec diverses parties prenantes (par exemple des directions d’écoles, des parents, des autorités) peuvent aussi être mis à profit. Les chargé·e·s de cours peuvent s’appuyer sur de telles possibilités afin de réfléchir à ce que les étudiant·e·s doivent ou peuvent savoir pour se familiariser de manière compétente avec ces domaines de travail en vue de leur propre apprentissage. Ainsi, on met en œuvre ce que Stebler, Pauli et Reusser (2018, p. 163) décrivent comme étant un élément caractéristique d’un environnement d’apprentissage personnalisé: «La marge de manœuvre pour accéder personnellement aux contenus d’apprentissage et pour découvrir l’importance des expériences d’apprentissage pour sa propre vie.»
En fonction de la situation initiale, les chargé·e·s de cours s’appuient sur deux concepts didactiques. Le premier est l’apprentissage sous forme de projet, dans lequel les étudiant·e·s abordent des problématiques qui les concernent et découvrent quelque chose, dans le sens d’un apprentissage par la recherche; ou alors les étudiant·e·s produisent, mettent en œuvre et évaluent quelque chose (de matériel ou d’immatériel), dans le sens d’un processus de développement. L’autre concept s’appuie sur l’apprentissage dans des environnements au sein desquels une offre d’apprentissage est proposée via une multitude de tâches et de supports différents. Cette offre d’apprentissage permet de concevoir une multitude de parcours d’apprentissage différents. Plus il y a de tâches diversifiées à disposition, plus la probabilité est grande que les étudiant·e·s puissent choisir des tâches qui correspondent à leurs propres besoins et aspirations.
Dans ces deux formats, les chargé·e·s de cours accordent de l’importance à ce que les étudiant·e·s prennent des décisions réfléchies. Pour ce faire, les chargé·e·s de cours planifient des prises de décision avec l’obligation, pour les étudiant·e·s, de justifier leurs choix: elles et ils doivent (brièvement) expliquer quelles sont leurs attentes vis-à-vis de l’accomplissement de la tâche en termes d’acquis pédagogiques, et pourquoi elles et ils jugent que cela leur est personnellement important. Cette justification est remise par écrit aux chargé·e·s de cours qui peuvent ainsi exprimer un avis critique.
Coopérations
Un résultat intéressant de l’étude est que la personnalisation est certes très fortement axée sur l’individu, mais que la diversité ainsi soulignée profite aussi beaucoup à la formation lorsque cette diversité est associée à la coopération. En conséquence, dans le cadre d’un enseignement personnalisé, les chargé·e·s de cours attachent une grande importance à l’apprentissage coopératif. Le gain d’apprentissage maximal est obtenu lorsque l’on compare et/ou constate des points communs et des différences. Les étudiant·e·s peuvent ainsi se rendre compte immédiatement qu’elles et ils ne profitent pas seulement de l’expertise des chargé·e·s de cours. L’expertise des autres étudiant·e·s peut elle aussi être utile, tant du point de vue du contenu que de la méthodologie. Mais tirer parti de cet aspect ne va pas de soi et se fait au prix de certains efforts. Par ailleurs, à plusieurs reprises, il est fait référence à la socialisation des étudiant·e·s qui est manifestement très marquée par une relation enseignant·e-élève.
Objectifs
Une question clé est l’importance à accorder à la formulation des objectifs. Il s’agit en général du point de départ d’une planification didactique. Dans les entretiens, les chargé·e·s de cours indiquent qu’elles et ils fixent des objectifs. Les objectifs d’apprentissage obligatoires permettent de définir des axes prioritaires dans une thématique donnée. Mais il est indispensable que les étudiant·e·s comprennent exactement l’importance de ces objectifs. Les chargé·e·s de cours ont une attitude très prudente vis-à-vis des objectifs. De plus, elles et ils encouragent les étudiant·e·s à formuler aussi leurs propres objectifs sur la thématique; ces derniers auront au moins une importance équivalente dans l’évaluation.
Évaluation
L’évaluation est un élément clé de la planification. Les chargé·e·s de cours sont d’accord sur le fait que la grande marge de manœuvre laissée aux étudiant·e·s crée une situation difficile pour l’évaluation sommative. Plusieurs chargé·e·s de cours admettent que le fait de ne pas avoir à effectuer d’évaluation sommative dans leur module serait un avantage pour eux. Les chargé·e·s de cours considèrent toutefois qu’une évaluation est possible et font remarquer que différentes méthodes d’évaluation sont proposées. On se met d’accord suffisamment tôt sur la meilleure méthode afin de démontrer ses acquis (et ce que l’on a appris). Il est rare que l’accent soit mis essentiellement sur un résultat. Cela varie beaucoup selon les cas. L’évaluation porte plutôt sur certains aspects méthodologiques et/ou transversaux.
Enfin, les chargé·e·s de cours insistent sur le fait que l’enseignement personnalisé vise aussi à renforcer l’autoréflexion. En particulier en matière de durabilité, les chargé·e·s de cours soulignent régulièrement que la formation ne vise pas seulement à connaître quelque chose ou à savoir faire quelque chose, mais aussi à pouvoir maîtriser des situations similaires dans d’autres contextes. L’autoréflexion au sens d’auto-évaluation n’a pas exclusivement lieu à l’issue d’un processus d’apprentissage. Les chargé·e·s de cours planifient aussi des phases de réflexion lors de transitions importantes et mettent des outils à la disposition des étudiant·e·s afin de susciter à tout moment une réflexion approfondie, par exemple lorsque les étudiant·e·s craignent de perdre le fil.
Mise en œuvre de l’enseignement personnalisé
En plus de ces décisions de planification, il existe une multitude de décisions d’exécution qui, selon les chargé·e·s de cours, forment un enseignement personnalisé. Il convient de conseiller les personnes en formation dans leur apprentissage. Il ne faut pas confondre cela avec un simple «laisser faire». Il est important de comprendre ce que les personnes en formation veulent atteindre personnellement (et pourquoi elles veulent l’atteindre) et de leur apporter le meilleur soutien possible à cette fin.
Encouragement
Les chargé·e·s de cours constatent qu’il est important d’encourager régulièrement les étudiant·e·s pendant qu’elles et ils planifient leurs étapes d’apprentissage. Il arrive que les personnes en formation soient habituées au fait qu’on leur «apporte tout» dans les contextes officiels. Les chargé·e·s de cours rejettent cette mentalité dans l’enseignement personnalisé, afin que les étudiant·e·s décident de ce qui leur est important à titre personnel. Mais dans le même temps, les chargé·e·s de cours veillent à ce que les étudiant·e·s ne se sentent jamais abandonné·e·s. Le principe suivant s’applique toujours: «Aider à apprendre ce qui est important à chacun·e en le faisant avec une méthode d’apprentissage individuelle.»
Coaching
Les chargé·e·s de cours veillent en amont à ce que les étudiant·e·s formulent des objectifs d’apprentissage appropriés et bénéfiques à titre individuel, planifient des étapes d’apprentissage pertinentes et choisissent des stratégies adaptées. Ce soutien revêt une grande importance afin que les processus d’apprentissage auto-organisés ne deviennent pas un «apprentissage par l’essai et l’erreur».
Pendant la mise en œuvre, les personnes en formation peuvent être confrontées à des informations contradictoires dans leurs recherches, ce qui peut créer de la confusion pour elles. Dans de telles situations, les chargé·e·s de cours peuvent être utiles afin de maintenir la complexité à un niveau acceptable. De plus, les chargé·e·s de cours peuvent montrer comment de telles contradictions peuvent aussi aboutir à des questions complémentaires intéressantes.
Si l’on donne aux étudiant·e·s des possibilités de s’auto-organiser, il est important, selon les chargé·e·s de cours interrogé·e·s, de mettre à leur disposition des informations claires sur les responsabilités et les objectifs de l’offre, afin qu’elles et ils puissent donner leur avis à propos de telle ou telle chose. Lorsque les chargé·e·s de cours accompagnent les étudiant·e·s dans un processus plus long, elles et ils peuvent leur donner un feed-back direct ou les conseiller à propos des possibilités mises à leur disposition. Si ce n’est pas le cas, des tests formatifs facultatifs, des modèles de solutions ou des check-lists s’avèrent utiles. Enfin, les chargé·e·s de cours font remarquer que les étudiant·e·s sont appelé·e·s à discuter de leur planification, par exemple sous la forme d’une esquisse de projet, avec des spécialistes hors de la haute école (employeurs, enseignant·e·s dans la pratique professionnelle) et à la valider avec le regard critique mais bienveillant d’un pair.
Réseautage
Les chargé·e·s de cours estiment jouer un rôle important dans la mise en relation des différentes personnes en formation. En ayant un aperçu des parcours d’apprentissage et des réflexions des étudiant·e·s, elles et ils peuvent suggérer des coopérations intéressantes ou informer de certaines opportunités. Il convient de trouver un juste équilibre entre une exigence sociale (maintenir la cohésion du groupe en tant que groupe d’apprentissage) et l’exigence de proposer un enseignement adapté individuellement. Dans l’enseignement personnalisé, cette seconde exigence est prioritaire.
Transmission du savoir
De temps à autre, il est important d’apporter une contribution sur le plan du contenu. Selon les chargé·e·s de cours, cela n’est pas contraire à la conception d’un enseignement personnalisé. Les chargé·e·s de cours mettent leur savoir à disposition et il doit être exploité. Sur ce point, les principes suivants sont formulés: être le plus bref possible et individualiser l’enseignement. Certain·e·s chargé·e·s de cours forment un pool de ressources qui est utilisé en fonction des besoins. Telle ou telle méthode n’est plus très claire? Une personne en formation a besoin de se remémorer les principaux points d’une méthode donnée? Il s’avère qu’une personne en formation n’a plus en mémoire les connaissances préalables nécessaires? Est-ce que certaines questions reviennent régulièrement? Si nécessaire, les étudiant·e·s peuvent être invité·e·s à consulter des fiches (électroniques), des supports écrits clairement structurés ou de brèves vidéos explicatives disponibles sur une plateforme d’apprentissage.
Évaluation
Dans le cadre d’une phase d’évaluation finale, les chargé·e·s de cours endossent le rôle d’interlocuteur·trice critique et remettent en question les acquis ou représentent des attentes supérieures: «Si j’étais maintenant votre supérieur·e hiérarchique…». L’objectif d’un tel processus est de rechercher ensemble des possibilités d’optimisation et de perfectionnement. Les gains d’efficience ne doivent pas être l’unique objectif. Les possibilités de développement créatives ou les différences intéressantes sont considérées comme extrêmement stimulantes.
Dans un enseignement personnalisé, le fait de montrer des possibilités de perfectionnement et de souligner ainsi le caractère inachevé de l’apprentissage revêt une importance beaucoup plus grande qu’une évaluation finale.
Les défis de l’enseignement personnalisé
Concernant les défis auxquels l’enseignement personnalisé fait face, les chargé·e·s de cours citent quatre points principaux, en plus de l’évaluation déjà abordée ci-dessus: l’exigence didactique à laquelle elles et ils sont confronté·e·s, la charge de travail et/ou l’investissement élevé pendant la mise en œuvre, la nécessité de réfléchir à la conception de son rôle de chargé·e de cours et, enfin, l’intégration de l’enseignement personnalisé dans des structures temporelles fixes.
Sur le plan didactique, la mise à disposition d’offres d’apprentissage personnalisées est plus exigeante qu’une solution «universelle». Cela signifie que les hautes écoles ont dû sensiblement élargir leur champ d’action didactique axé sur les formats de cours et les travaux pratiques. Ces dernières années, dans le cadre de la digitalisation, de nouveaux formats didactiques adaptés aux hautes écoles ont été développés et permettent aux chargé·e·s de cours d’accorder de la place à la diversité des profils d’étudiant·e·s. Quelques exemples: l’enseignement selon le juste-à-temps (Just-in-Time Teaching), où les étudiant·e·s se préparent et soumettent ensuite leurs questions; l’apprentissage basé sur les problèmes (Problem Based Learning), dans lequel les étudiant·e·s traitent des problématiques authentiques; l’apprentissage par la recherche, où les étudiant·e·s suivent de manière autonome un processus de recherche complet, de la définition de la problématique à la présentation des résultats; l’enseignement par interactions ou collaboratif (Jigsaw learning), où les étudiant·e·s acquièrent des connaissances dans un domaine qu’elles et ils ont personnellement sélectionné et transmettent ensuite leur expertise à d’autres étudiant·e·s. Les chargé·e·s de cours doivent apprendre ces formes d’enseignement et s’exercer pour se familiariser avec elles. À cet effet, des possibilités de formation continue correspondantes sont nécessaires.
Cela renvoie à un principe économique de base, selon lequel la fabrication sur mesure consomme davantage d’énergie: l’enseignement personnalisé requiert un investissement élevé de la part des chargé·e·s de cours. De plus, il porte ses fruits au bout de plusieurs réalisations seulement. Les hautes écoles se retrouvent dans une situation où elles peuvent proposer pendant de nombreuses années des modules de base très similaires. La personnalisation n’a pas encore le même degré d’urgence que dans les semestres supérieurs où la formation de profils individuels fait partie intégrante de l’exigence de formation. Dans ce cas, la variété permet de proposer une offre attrayante. Mais dans le cadre de modules dont la planification s’appuie davantage sur l’uniformité, la charge de travail supplémentaire liée à l’enseignement personnalisé doit être supportée principalement par les chargé·e·s de cours.
Les chargé·e·s de cours précisent aussi qu’elles et ils font régulièrement face à un autre défi particulier: éviter la déception personnelle. Selon eux, il est tout à fait possible que les libertés soient utilisées de manière abusive ou que le caractère ouvert des directives soit interprété par les étudiant·e·s dans un but personnel, par exemple si elles et ils font le choix d’exiger peu d’eux-mêmes. Les chargé·e·s de cours mentionnent que dans de tels cas, le «réflexe» serait d’interrompre l’enseignement personnalisé, de tout annuler et de repartir sur un enseignement dirigé par l’enseignant·e. Il faut s’habituer à ce genre de situations et être capable de résister à ce réflexe si l’on souhaite vraiment concevoir l’apprentissage comme un processus individuel.
Les contraintes de temps sont un autre défi pour l’enseignement personnalisé, considéré par les chargé·e·s de cours comme un processus inachevé. Les chargé·e·s de cours voient comme une obligation le fait d’adapter les rythmes d’apprentissage individuels aux délais institutionnels, situation qui peut devenir un véritable dilemme. Les étudiant·e·s doivent avoir à leur disposition le temps dont ils ont besoin. Parallèlement, ils doivent atteindre des objectifs (partiels) pertinents dans les délais imposés. La planification par les personnes en formation a une importance clé. Il faut veiller à ce qu’elles n’entreprennent pas trop de choses en même temps et qu’elles ne se fixent pas des objectifs irréalistes. La plupart des chargé·e·s de cours demandent à voir leur planification, la vérifient et font part de leurs doutes, le cas échéant.
Au regard des objectifs stratégiques des hautes écoles, il serait judicieux de mettre en place des formes plus variées et de ne pas définir la charge d’enseignement uniquement en fonction du nombre d’heures hebdomadaires par semestre, mais aussi en fonction du degré de personnalisation. L’enseignement personnalisé crée une forte valeur ajoutée. Il est souhaité par les institutions et il est hautement reconnu par les étudiant·e·s. Des investissements dans ce sens s’avèrent donc profitables pour les hautes écoles.
- Dans des documents stratégiques, on trouve des déclarations telles que: «Dans tous ses aspects, nous concevons la diversité comme une opportunité» – EPF Zurich (2021); «Pour l’université, la diversité et les horizons multiples des étudiant·e·s sont des éléments clés qui participent à l’excellence dans la recherche, l’enseignement et l’administration» – Université de Berne (2021); «Promouvoir une gestion constructive de la diversité à l’école et dans l’éducation» – HEP Lucerne (2019).
- Une validation supplémentaire de cette déclaration personnelle n’a pas été effectuée. Toutefois, il s’est avéré que tous les entretiens pouvaient être exploités, car ils contenaient des déclarations concrètes sur les offres d’apprentissage personnalisées de la haute école.
Bibliographie
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