Les pratiques de gestion de la diversité à la SML: un rapport d’expérience issu de la pratique
Ce rapport d’expérience décrit une sélection de pratiques relevant de la gestion de la diversité et de l’inclusion (pratiques de responsabilité, de non-discrimination et de ressources), en s’appuyant sur l’exemple de la School of Management & Law (SML) à la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) et en adoptant le point de vue de la responsable de la diversité. Les pratiques qui ont été sélectionnées sont, d’une part, des pratiques (donc un ensemble de mesures) qui se concentrent sur le personnel et la direction; et d’autre part, des pratiques au centre desquelles se trouvent les étudiant·e·s et les participant·e·s à la formation continue. En supplément, certains défis possibles sont décrits dans ce rapport, ainsi que la façon d’y faire face.
L’égalité des chances, la diversité et l’inclusion sont devenues des thématiques stratégiques incontournables au sein des hautes écoles suisses. Et au cours des deux dernières décennies, le centre de l’attention a changé. Au début, l’accent était mis sur un ancrage durable de l’égalité des chances par le biais de structures institutionnelles, ainsi que sur l’augmentation de la part des femmes dans les comités de direction et parmi les postes de professeur·e·s. Aujourd’hui, les thématiques sont devenues plus variées et l’attention porte désormais sur la diversité de l’ensemble du personnel et des étudiant·e·s. Les écoles de commerce (Business Schools), en particulier, travaillent avec le concept de gestion de la diversité et de l’inclusion (en anglais: «Diversity & Inclusion Management», DIM). La DIM est un concept de gestion stratégique qui réunit le point de vue de la gestion d’entreprise et celui des sciences sociales. Dans ce concept, la diversité et l’inclusion du personnel sont axées sur les objectifs stratégiques de l’organisation concernée (Genkova & Ringeisen, 2017, p. 173). Avec la DIM, les organisations orientent leurs mesures vers l’intérieur et vers l’extérieur, afin d’améliorer leur attractivité en tant qu’employeur et en tant que haute école, tout en remplissant leurs obligations en tant qu’institution éducative de droit public. Le présent article traite de la mise en œuvre de différentes pratiques de diversité à la School of Management & Law (SML) de la ZHAW, en adoptant le point de vue de la responsable de la diversité. Cet article n’a aucune revendication d’exhaustivité et décrit uniquement une sélection de pratiques, en vue de montrer les opportunités et défis rencontrés pendant leur mise en œuvre.
Diversité et inclusion, gestion de la diversité, durabilité sociale
La notion de diversité désigne une pluralité dans les différences et points communs d’ordre personnel, social et structurel entre des personnes et des groupes (Bräuhofer & Rieder, p. 63). Parmi les principales dimensions de la diversité se trouvent l’âge, le genre1, le handicap, l’orientation sexuelle, les origines religieuses et sociales, l’ethnicité2 et le concept anglophone de «race»3, la situation familiale, etc. (Helmold, 2022, p. 117). La DIM est en principe considérée comme une mission relevant de la direction et comme une tâche transversale. Dans la pratique, elle est souvent confiée à un·e spécialiste expérimenté·e, disposant de compétences en matière de ressources humaines et de diversité (Vedder, 2009, p. 114). La gestion de la diversité vise à mettre à profit les avantages d’un environnement de travail diversifié, à encourager l’inclusion et à accroître ainsi l’innovation et la performance. De plus, le concept de DIM aspire, par le biais de mesures adaptées, à faire baisser les préjugés inconscients, la discrimination, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel (Genkova & Ringeisen, 2017, p. 173). De nos jours, la diversité et l’inclusion sont classées parmi les activités obligatoires et volontaires relevant de la responsabilité sociale des organisations (Rhanfeld, 2019, p. 21). Les objectifs de durabilité sociale (cf. les objectifs de développement durable des Nations unies, ODD), tels que l’égalité hommes-femmes, la santé et le bien-être, la baisse des inégalités ou l’éducation durable, affichent des recoupements thématiques avec les pratiques DIM des hautes écoles.
Pratiques de gestion de la diversité
Dans cet article, le modèle de pratiques de la diversité selon Leslie (2019) est utilisé comme structure pour décrire les initiatives et pratiques mises en œuvre à la SML en matière de diversité. Leslie définit une initiative de diversité comme la mise en œuvre de plusieurs pratiques de diversité dans le but d’améliorer les expériences et la performance de groupes défavorisés (Leslie, 2019, p. 540). Les groupes cibles de ces initiatives sont des groupes sous-représentés dans les postes stratégiques (p. ex. les femmes à des postes de direction), ou exclus des interactions quotidiennes (p. ex. les personnes handicapées) ou des prises de décision (Leslie, 2019, p. 541). Par conséquent, les initiatives en matière de diversité visent une plus forte représentation de ces groupes cibles, une hausse de l’égalité des chances de réussite professionnelle et une plus forte inclusion, afin que ces groupes cibles se sentent acceptés et estimés (Leslie, 2019, p. 541). Parmi les pratiques en matière de diversité, Leslie (2019) distingue trois formes différentes: (1) les pratiques de responsabilité, (2) de non-discrimination et (3) de ressources:
- Les pratiques de responsabilité assurent, par des mesures stratégiques, que la diversité et l’inclusion (D&I) soient institutionnalisées. Pour cela, elles assurent que les objectifs de diversité de l’organisation soient formulés, mesurés et atteints; et que les rôles attribués pour la diversité, les services spécialisés ainsi que les ressources temporelles et financières pour la mise en place soient bien fixés (Leslie, 2019, p. 541).
- Les pratiques de non-discrimination assurent que les décisions en matière de sélection, de promotion et d’évaluation soient objectives, et qu’elles reposent donc moins sur des préjugés inconscients (Leslie, 2019, p. 541).
- Les pratiques de ressources, en revanche, sont des pratiques axées sur les identités et misant sur les opportunités. Elles permettent des opportunités pour des groupes cibles bien définis (Leslie, 2019, p. 541). Ces pratiques incluent, par exemple, des programmes de mentorat et de développement du personnel qui s’adressent spécifiquement aux personnes appartenant à un certain groupe cible.
Les pratiques de responsabilité à la SML
La SML est le département d’économie de la Haute école des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). D’une part, la SML oriente ses stratégies sur les objectifs de la Haute école spécialisée; d’autre part, elle poursuit aussi des objectifs supplémentaires en sa qualité d’école de commerce internationale reconnue. Dans le cadre de sa stratégie de développement durable, elle s’engage à suivre les Principes de l’éducation au management responsable (en anglais: «Principles for Responsible Management Education», PRME). De plus, depuis quelques années, la diversité fait partie des sept valeurs fondamentales de la SML. C’est pour cette raison que la SML a décidé d’ancrer en 2019 les thématiques de diversité et inclusion dans ses stratégies et de fixer des ressources temporelles et financières à cet effet. En nommant un·e responsable de la diversité, la direction lui a confié la mission de mettre en place une gestion de la diversité, d’encourager la sensibilisation au concept de D&I chez le personnel et les membres de la direction, et d’ancrer à moyen terme la diversité et l’inclusion dans les quatre domaines de prestation que sont l’apprentissage, la formation continue, la recherche appliquée et les services.
Dès le début déjà, une gestion de la diversité basée sur des données scientifiquement validées a été mise en place. À partir des données RH à disposition, de premières analyses ont été menées concernant le sexe et les nationalités. En raison de la protection des données, aucune autre analyse sociodémographique n’était possible. C’est pourquoi un sondage sur la diversité a été élaboré à l’attention de l’ensemble du personnel. La participation au sondage était facultative et anonyme. Les questions portaient sur la perception du climat d’inclusion et du management inclusif, ainsi que sur les besoins en matière de mesures de sensibilisation aux thématiques de D&I. Des données sociodémographiques ont également été relevées (p. ex. le sexe, l’identité de genre, l’âge, la fonction, etc.). Ce sondage a servi de point de départ pour analyser le processus existant (analyse de la situation de départ) et de base pour définir des mesures futures (c’est-à-dire des pratiques). Le même sondage a été répété un an plus tard, en vue de mesurer les modifications dans la perception après les premières interventions. Les résultats ont montré, entre autres, des différences de perception en fonction du sexe, de l’âge et de la fonction. Par exemple, au début, les femmes percevaient le management inclusif et le climat d’inclusion de manière plus critique que les hommes, quelle que soit leur fonction (personnel de la recherche ou personnel administratif). Un an après la mise en place des premières mesures (voir plus bas, p. ex. l’initiative de gestion de l’égalité hommes-femmes), le sondage affichait déjà une nette amélioration: l’ensemble du personnel percevait un management nettement plus inclusif dans les thématiques spécialisées. Malgré une amélioration générale, la différence persistait entre hommes et femmes: le point de vue des femmes restait plus critique que celui des hommes.
Des mesures de sensibilisation ont été réclamées surtout en ce qui concerne la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, ainsi que l’égalité entre hommes et femmes.
Dans un premier temps, en vue d’encourager le sens des responsabilités au sein de l’organisation, les membres de la direction ont suivi des formations sous forme d’ateliers sur la diversité menés par des spécialistes externes. Des collaborations avec des expert·e·s externes renommé·e·s ont été délibérément mises en place afin de promouvoir la bonne acceptation de cette thématique. Les sujets suivants y ont été transmis: la plus-value stratégique d’une gestion de la diversité et de l’inclusion, les préjugés inconscients dans les processus, dans les systèmes et dans les comportements, ainsi que les pratiques de management inclusif. De ces ateliers de gestion, il est ressorti que le sujet était généralement accueilli de manière positive, mais que son utilité dans la gestion d’entreprise était, en partie, remise en question. De plus, dans le cadre de conversations informelles, nous avons pu observer un biais de performance inconscient lié au sexe (Neschen & Hügelschäfer, 2021). Ce biais de performance décrit le phénomène selon lequel nous avons tendance à sous-estimer les performances des femmes et à surestimer celles des hommes. Ce biais est particulièrement prononcé dans les branches des sciences et de la recherche et dans les branches à forte composante masculine (Llorens et al., 2021).
Par la suite, un concept de gestion de l’égalité hommes-femmes (en anglais: «Gender Equality Management», GEM) a été développé. L’initiative GEM regroupe diverses pratiques de D&I qui ont été élaborées, discutées et décidées en détail avec le comité de direction. C’est lors de cette phase qu’un comité de direction dédié à la thématique de la diversité a été mis en place au sein de la Haute école. L’objectif visait à ce que la transmission du concept de diversité ne se limite pas au contexte du genre, et que soit également abordée une variété appropriée de différentes thématiques liées à l’égalité des chances ainsi qu’à la diversité et l’inclusion. Les chiffres affichaient alors une faible proportion de femmes aux postes de direction et de professorat. Par conséquent, des mesures ont été élaborées dans trois champs d’action: le recrutement et la sélection, la gestion des compétences ainsi que la gestion de la performance. Des objectifs d’ordre quantitatif ont été définis sur une durée de trois ans, autant pour l’attribution des postes de professeur·e·s que pour ceux de la direction. Des recommandations ont été mises au point pour un processus de recrutement qui respecte l’égalité des chances, et pour l’établissement d’un programme de mentorat à l’attention des diplômé·e·s universitaires. Depuis l’initiative GEM, la proportion de femmes a augmenté de 2% par an aux postes de direction et de professorat de la SML. Aujourd’hui, la part des femmes est de 26,5% pour les postes de direction et de 13% parmi les professeur·e·s.
La première pratique de responsabilité à l’attention des étudiant·e·s a consisté à mettre en ligne un site internet externe dédié à la gestion de la diversité au sein de la SML, en complément de la section Diversité du site de la Haute école spécialisée. Nous savons d’expérience que les étudiant·e·s vont chercher leurs informations au sein de la SML et non à l’échelle de la ZHAW: c’est pourquoi, nous avons détaillé l’offre de services et de consultations directement sur le site internet et l’intranet de la SML. Néanmoins, certains services (p. ex. des consultations personnelles) sont proposés par la section Diversité de la Haute école spécialisée, alors que d’autres services ne sont proposés qu’à la SML. Les services disponibles sont détaillés plus bas, parmi les pratiques de ressources.
Pratiques de non-discrimination à la SML
Dans le cadre de la protection contre la discrimination, la ZHAW met en place des mesures réactives et préventives adaptées: par exemple des services de consultation, des procédures de plainte internes ou des mesures de sensibilisation aux questions de la discrimination et du désavantage (cf. politique de diversité de la ZHAW).
Pratiques de non-discrimination dans le processus de recrutement et de sélection
Au début, l’accent a été mis sur la standardisation des pratiques de recrutement et de promotion au sein de l’organisation. Dans l’objectif d’un recrutement inclusif, les offres d’emploi ont été analysées, puis reformulées. Plusieurs spécialistes RH ainsi que des spécialistes de la Commission pour la diversité et du Département de linguistique ont travaillé ensemble, dans le cadre d’un groupe de travail, pour mettre en commun leurs connaissances théoriques et pratiques en matière de recrutement inclusif. Le développement de compétences à cet effet est devenu indispensable, autant pour le processus de recrutement que pour la gestion. En complément et en parallèle, deux projets ont été financés par le Digital Futures Fund de la ZHAW. Ces projets de recherche visaient à analyser des procédures anonymes d’évaluation des candidatures. Le premier projet a étudié les processus de recrutement et de sélection en se penchant sur leur potentiel d’anonymisation (cf. Menzi et al., 2022). Le second avait pour objectif de lancer un projet pilote de recrutement anonyme pour un poste vacant réel à la ZHAW. C’est quasiment une expérience de terrain qui a été menée, au cours de laquelle nous avons comparé la pratique avec des CV standardisés et anonymisés à celle des CV non standardisés et non anonymisés (cf. Menzi, Frau & Heimann, 2023). Ces deux projets ont été lancés et dirigés par une collaboratrice scientifique qui souhaitait contribuer à l’égalité des chances. Une collaboration intensive s’est installée avec la responsable de la diversité à la SML, dans l’objectif de faire avancer le recrutement anonyme («Blind Hiring»). Ce type de projets «bottom up» montre bien que les thématiques de D&I peuvent bénéficier d’une accélération grâce à l’initiative d’un personnel intrinsèquement motivé. Ces projets contribuent à remettre en question, de manière générale, les processus de recrutement et les outils établis, et à les réorganiser de manière à améliorer l’égalité des chances.
Pratiques de non-discrimination dans les comités de sélection
Une autre pratique de non-discrimination concerne la réglementation pour la composition des comités de sélection (CDS) qui sont responsables de l’attribution des postes de direction et de professorat vacants. Le concept GEM recommande de ne nommer aux comités de sélection que des membres qui ont assisté à un atelier sur les préjugés inconscients. Cela permet de renforcer la responsabilisation du comité de sélection, dans l’objectif que le point de vue de la diversité soit adopté sans que la responsable de la diversité ait à participer à tous les comités de sélection. Dans la plupart des cas, cette recommandation a été bien appliquée dans la pratique. Cela s’est parfois avéré difficile lorsque la participation d’expert·e·s externes était requise dans des comités de sélection. Les expert·e·s externes sont important·e·s pour l’évaluation de l’expertise technique. Toutefois, ces personnes ne remplissent pas automatiquement la condition de posséder des connaissances dans les thématiques de la diversité. De plus, le rôle de la diversité a parfois été remis en question, en particulier dans les cas où une femme était souhaitée en priorité pour un poste vacant. Certes, cibler les femmes permet de favoriser l’atteinte du quota recherché. Mais le risque est de renforcer des stéréotypes négatifs si le sexe recherché se trouve au premier plan. En procédant ainsi, cela implique que l’employée compétente n’a obtenu cette position qu’en raison de son appartenance au sexe féminin. Le membre du CDS chargé du rôle de la diversité devrait alors reconnaître les signaux de stéréotypes négatifs, puis agir contre ces signaux et ne pas les confirmer. Dans un cas particulier, la justification des quotas a été fortement remise en question et un débat a eu lieu concernant le traitement injuste envers les hommes dans les processus de recrutement. Comme le souligne Leslie, les pratiques de diversité présentent aussi un risque d’effets secondaires négatifs (Leslie, 2019, p. 546). Par exemple, certaines personnes ont déclaré ressentir une injustice envers les hommes dans le contexte du recrutement. Une discussion de mise en confiance avec la responsable de la diversité ou avec le comité de sélection a parfois pu aider à mettre en évidence les besoins et les doutes, et à les contrer avec des arguments basés sur des données scientifiquement validées (p. ex.: «les chiffres montrent néanmoins que les femmes restent encore sous-représentées parmi les postes de professeur·e·s, ce qui rend légitimes les mesures d’encouragement et une inégalité de traitement.»). Dans d’autres cas, nous avons observé par exemple une forte motivation extrinsèque à la diversité (Leslie, 2019, p. 546): c’est-à-dire que le quota visé était tellement au centre des préoccupations que la prise de décision ne s'appuyait que sur ce quota. Cette situation porte atteinte à la motivation intrinsèque qui consiste à poursuivre des objectifs d’égalité des genres pour des raisons morales. Le fait de se concentrer sur le quota visé a un effet contre-productif sur les efforts d’égalité des chances. Dans de telles situations, il relève de la direction du CDS de recueillir la décision de tous les membres, et de prendre en considération les fortes préoccupations.
Pratiques de non-discrimination dans l’évaluation des compétences
Une troisième pratique de non-discrimination a été mise en place pour l’évaluation des profils de compétences et pour la sélection et la promotion des candidat·e·s. Les décisions doivent être prises selon le principe d’«achievement relative to opportunity» (Hill, Sacker & Davidson, 2014): l’évaluation des performances académiques des différentes personnes doit être mise en relation avec les chances et possibilités. Cela s’avère important par exemple pour les personnes possédant des obligations familiales, ou pour des personnes dont le parcours n’est pas linéaire ou qui travaillent à temps partiel. Toutefois, ce principe provoque souvent un dilemme lorsqu’il s’agit d’attribuer un poste de professeur·e puisque dans ce cas, le rendement (p. ex. nombre et qualité des publications) est très important, mais qu’il est plus difficile à atteindre en cas d’activité à temps partiel ou de parcours non linéaire. Les membres de la direction disent se trouver face à un dilemme et devoir choisir entre l’égalité des chances et l’excellence des performances. Dans le contexte de la recherche, la poursuite de l’excellence est inhérente au système et va à l’encontre de la poursuite de l’égalité des chances, puisqu’elle favorise le type du chercheur en bonne santé, travaillant à plein temps, de sexe masculin et sans obligations familiales.
Pratiques de non-discrimination à l’attention des étudiant·e·s de la SML
Pour les étudiant·e·s et les personnes participant à la formation continue, une pratique importante de non-discrimination repose dans l’instrument de la compensation des désavantages pour les personnes en situation de handicap ou souffrant d’une maladie chronique. La compensation des désavantages permet l’égalité des chances dans les études. Les mesures de compensation des désavantages peuvent comprendre, par exemple, une prolongation de la durée des examens et un allongement des délais de remise des devoirs, l’autorisation d’utiliser certains outils, la réalisation des examens dans des pièces au calme, etc. Bien que la compensation des désavantages soit ancrée dans la Loi sur l’égalité pour les handicapés (Lhand) et que les étudiant·e·s et les personnes participant à la formation continue y aient légalement droit, les personnes concernées ne font pas toujours usage de cette possibilité. Un manque élevé de sensibilisation existe toujours en ce qui concerne le handicap. Souvent, les étudiant·e·s considèrent comme un handicap les formes bien reconnues que sont les handicaps corporels, mentaux ou sensoriels. Les personnes qui souffrent par exemple d’un trouble de la lecture et de l’écriture (dyslexie) ou de troubles psychiques, ou encore les personnes neurodivergentes (p. ex. TDAH) sont moins considérées comme souffrant d’une forme de handicap. De plus, il existe des barrières culturelles qui poussent à ne pas avouer son handicap. En particulier les étudiant·e·s en cursus internationaux, qui n’ont pas été socialisé·e·s en premier lieu dans une culture occidentale, vont montrer des réserves à aborder le sujet de leur handicap. Dans certains cas, ce n’est qu’après avoir échoué à un examen ou à son mémoire de Master que l’étudiant·e annonce sa maladie ou son handicap. Or, les chances d’obtenir une mesure de compensation du désavantage a posteriori sont faibles. Il est donc primordial que les étudiant·e·s et le corps enseignant soient bien informé·e·s sur la compensation des désavantages.
Les pratiques de ressources à la SML
Il existe des pratiques de ressources d’ordre général qui s’adressent à l’ensemble des étudiant·e·s, des personnes participant à la formation continue et du personnel. Ces pratiques sont proposées par la SML en coopération avec la section Diversité de la ZHAW. Elles incluent des services de consultation personnelle et qualifiée sur les sujets liés à la diversité. Il peut s’agir, par exemple, d’une clarification pour des personnes qui ont le sentiment d’appartenir à une communauté de la diversité, ou qui souhaitent s’informer sur une thématique liée à ce sujet. Il s’agit notamment de consultation personnelle en cas de discrimination, de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel. Pour ces sujets très sensibles, la responsable de la diversité intervient comme «first support», c’est-à-dire comme premier point d’écoute confidentielle. Pour cela, elle s’en remet au coaching de la section Diversité. En général, les personnes venant chercher conseil sont redirigées vers la section Diversité pour un soutien plus poussé.
Parmi les pratiques de ressources spécifiques à la SML se trouvent en particulier des programmes de sensibilisation, de mentorat et de développement du personnel d’encadrement, avec pour objectif de créer des opportunités pour des groupes cibles de la SML. La première pratique de ressources de la SML a visé à développer les compétences en matière de diversité, à sensibiliser l’ensemble du personnel et à créer un lieu de sécurité psychologique. Pendant la pandémie de Covid-19, la SML a lancé en ligne sa série d’événements pour une prise de conscience de la diversité. Nous y présentions plusieurs thématiques D&I spécialisées, appartenant à différentes dimensions de la diversité; puis ces dernières ont fait l’objet d’un débat en «safe space» avec les personnes participantes. Par ailleurs, lors du choix des thématiques abordées, une grande attention a été portée à ce que les employé·e·s se sentent concerné·e·s dans toute leur diversité. Après une introduction du sujet, des exposés spécialisés ont suivi concernant les thématiques suivantes: l’utilité du concept de D&I dans l’économie, les préjugés inconscients, l’égalité des genres et le recrutement inclusif, la diversité culturelle, les identités LGBTQIA+ et la marche des fiertés («Pride»), le langage inclusif, la campagne Respect, les modèles de conciliation de la vie familiale et professionnelle et l’offre disponible, les programmes de mentorat, etc. Certaines thématiques sont coordonnées avec la section Diversité de la ZHAW. Ainsi, lorsque des initiatives ou campagnes importantes sont lancées par la section Diversité à l’échelle de la Haute école spécialisée (p. ex. la campagne de prévention Respect ou le lancement d’un guide de bonnes pratiques pour le langage inclusif), elles sont intégrées à l’agenda des événements. Après bientôt trois ans, la série d’événements de la SML pour une prise de conscience de la diversité s’est établie au-delà des limites de la SML, et compte à présent plus de 120 membres. Il est possible d’y partager des informations, des présentations et des vidéos. De petites communautés informelles de la diversité s’y sont formées, qui ont appris à aborder leurs besoins et à les adresser au bureau spécialisé ou à la direction.
Une autre pratique de ressources de la SML réside dans le programme annuel de mentorat universitaire, développé à l’attention ciblée des diplômé·e·s universitaires après obtention de leur doctorat. Ce programme a pour objectif de préparer et accompagner les chercheuses et les chercheurs dans leur candidature à des postes de professeur·e ordinaire, associé·e ou assistant·e. Outre trois ateliers, les diplômé·e·s sont aussi accompagné·e·s personnellement par des mentor·e·s expérimenté·e·s (des professeur·e·s de la ZHAW).
Il existe une pratique de ressources qui demande encore à être développée, et qui vise à promouvoir la codirection («top sharing» ou direction en binôme) comme un modèle de gestion alternatif et inclusif destiné aux cadres qui souhaiteraient mieux concilier famille et travail dans un quadruple mandat de prestation.4 Les groupes cibles sont le personnel au potentiel élevé ou les membres expérimentés de la direction qui désirent réduire leur charge de travail et partager les tâches de gestion. Dans sa fonction de chercheuse, la responsable de la diversité a eu l’occasion d’évaluer la pratique de codirection dans un autre département de la ZHAW. Il en est ressorti une étude d’évaluation qui n’est pas encore publiée (à venir: Frau & Wyss, 2024). Les résultats de cette étude identifient les potentiels et les défis de ce mode de gestion dans le contexte des hautes écoles spécialisées, et permettent d’établir un programme adapté de développement du personnel d’encadrement pour la codirection. Les premiers résultats ont déjà été présentés et ont fait l’objet d’un débat. D’autres mesures seront définies dans un futur proche.
À l’attention des étudiant·e·s, la responsable de la diversité a mis au point, en coopération avec une autre professeure, des modules optionnels pour l’apprentissage. Le module «Strategic Diversity Management» (StDM) est proposé pour la troisième année dans les programmes de Bachelor. La particularité de ce module est que les étudiant·e·s, après une introduction théorique à la gestion stratégique de la diversité, à la diversité en RH et au marketing de la diversité, travaillent sur de vraies problématiques D&I d’entreprises. Les étudiant·e·s dirigent un projet diversité, mènent des interviews ou des sondages, rédigent un rapport de projet et procèdent à une soutenance finale. Pendant toute la durée du module, les étudiant·e·s sont encadré·e·s et coaché·e·s par leurs professeur·e·s et par des représentant·e·s de l’entreprise. Cela leur permet d’apprendre à appliquer le sujet directement dans la pratique ainsi que de découvrir le point de vue des entreprises. Au niveau de la formation continue, les thématiques D&I et DIM ne sont encore transmises que de manière sporadique dans certains CAS. Mais des efforts sont réalisés vers la création d’un CAS dédié à la gestion de la diversité. L’idée est que ce dernier soit axé sur les besoins des responsables de la diversité et du développement durable, ainsi que sur ceux des spécialistes en RH, marketing, communication et compliance.
Les défis du rôle de responsable de la diversité
En tant que responsable de la diversité, j’aimerais décrire trois défis qui compliquent la mise en place d’une gestion exhaustive de la diversité et de l’inclusion:
La concentration sur une thématique de diversité: le concept de diversité et d’inclusion s’engage, dans l’idéal, pour l’égalité des chances de toutes les personnes qui ont le sentiment d’appartenir à une communauté de la diversité, ou auxquelles est attribuée l’appartenance à une certaine dimension de la diversité. Mais dans la pratique actuelle en matière de diversité, les ressources temporelles et financières manquent souvent pour pouvoir prêter la même attention à tous les groupes. À la SML, l’accent est porté actuellement sur l’égalité des genres parce que la mixité aux postes de direction et aux postes de professeur·e·s a besoin d’être améliorée. Ce choix a un impact sur la façon dont la gestion de la diversité est perçue au sein de l’organisation. Il vient renforcer l’impression que la diversité doit être comprise exclusivement comme une initiative en faveur des femmes. Or cette impression est en contradiction avec la compréhension générale de la diversité. Pour contrer quelque peu cet effet, j’ai délibérément introduit différentes thématiques D&I dans la série pour une prise de conscience de la diversité. Dans ce cadre, des membres du personnel et des étudiant·e·s ont été motivé·e·s de manière ciblée à former des groupes de travail et à construire différentes communautés relevant de la diversité, en vue de faire avancer les actions bénévoles portant sur les thématiques de la conciliation entre famille et travail, du handicap, des identités LGBTQIA+, de l’ethnicité/«race», de l’origine sociale, de la religion, etc.
La distance personnelle: il existe des situations dans lesquelles il est difficile de préserver une distance personnelle en tant que responsable de la diversité. Par le biais de mon second rôle de professeure, je connais bien les défis du quadruple mandat de prestation dans les hautes écoles spécialisées. Pour assembler les justificatifs de sa compétence et de ses publications en vue d’accéder au professorat, cela prend du temps. Par conséquent, lorsque des collègues de travail masculins compétents doivent attendre plus longtemps la prochaine étape de leur carrière en raison du quota féminin, je comprends bien pourquoi ils ont le sentiment d’un traitement injuste. Les entretiens confidentiels ne sont qu’une aide partielle. Un dilemme éthique apparaît: sur le plan individuel, je prends au sérieux le sentiment d’injustice de mes collègues masculins; mais sur le plan organisationnel, c’est l’atteinte des quotas féminins qui reste au premier plan. Ce dilemme éthique, je ne peux pas le résoudre et je dois le supporter personnellement. Pour cela, un échange en toute confidentialité avec d’autres responsables de la diversité s’avère utile.
L’agitation médiatique: dans les entretiens personnels, je suis souvent interrogée sur le débat médiatique et sociopolitique quant à la légitimité des mesures de diversité dans les hautes écoles. Par exemple, l’agitation médiatique et politique de l’an dernier autour du langage épicène a eu pour conséquence que le concept de gestion de la diversité, dans son intégralité, a été remis en question par certains membres de la direction et du personnel. Le manque de compréhension pour les revendications de la diversité, ainsi que la résistance en hausse, provoquent parfois un état de fatigue personnelle. Je n’arrive pas toujours à maintenir ma motivation à un niveau élevé, et j’ai parfois besoin d’une phase de repli. Dans le contexte de la pratique au sein des hautes écoles, la gestion de la diversité est une entreprise de longue haleine. On fait trois pas en avant, puis deux pas en arrière. Il faut composer en permanence avec des résistances, et avec des requêtes divergentes venant des différents groupes cibles.
Bilan
Les pratiques DIM décrites ont été mises en place au cours des trois dernières années. Les mesures d’égalité hommes-femmes, en particulier, commencent à montrer leur impact non seulement dans les quotas, mais aussi dans un climat d’inclusion pour tous les genres. Le personnel en parle de manière plus ouverte, ce qui doit être considéré comme un point positif. Par ailleurs, la série de la SML pour une prise de conscience de la diversité a contribué à ce que la faculté, c’est-à-dire le personnel enseignant académique, s’empare des thématiques de la diversité dans ses domaines spécialisés de l’apprentissage, de la formation continue et de la recherche. L’équité, la diversité et l’inclusion sont à présent considérées comme un sujet de recherche scientifique.
Comme le montre ce rapport d’expérience, différentes pratiques sont nécessaires. Elles doivent, d’une part, se concentrer sur le personnel, la direction, les étudiant·e·s et les personnes participant à la formation continue; et d’autre part, remettre en question les processus, les systèmes et les normes culturelles et organisationnelles et engager une réflexion à ce sujet. Les pratiques DIM ne montrent un impact durable qu’avec le temps; et à condition de ne pas être mises en place uniquement sous forme d’approche «top down», mais aussi «bottom up», en coopération et avec l’aide de la section Diversité et de la Commission pour la diversité, ainsi qu’avec les spécialistes RH, le personnel de direction et le personnel de la recherche. De plus, des collaborations externes avec des entreprises et des ONG contribuent à mieux transmettre le point de vue de la pratique. Ce n’est qu’avec ces différentes connexions que l’acquisition de connaissances et de compétences sur les sujets de la diversité et de l’inclusion devient possible, pour l’ensemble des quatre domaines de prestation. Les contacts personnels aident à faire face aux défis évoqués lors de la mise en œuvre. En tant que responsable de la diversité, je dois faire preuve de beaucoup de persévérance, d’une bonne résistance à la frustration et de résilience pour essuyer les échecs.
- Le genre est compris ici comme un terme spécialisé désignant le sexe social modifiable, et se distingue du sexe biologique appelé «sexe» (cf. Müller & Sander, 2011, p. 17).
- L’ethnicité selon Max Weber est comprise comme le concept d’un groupe de personnes qui s’identifie sur la base de critères culturels communs, tels que la langue, la religion, les habits, les coutumes, etc. L’ethnicité se distingue de la notion de «race» (Bös, 2008, p. 59).
- La notion francophone de «race» étant comprise comme un concept construit qui justifie le racisme, la notion anglo-saxonne «race» est utilisée ici en italique (cf. ZHAW 2022: Leitfaden für einen inklusiven Sprachgebrauch).
- Les hautes écoles spécialisées ont un quadruple mandat de prestation: l’apprentissage débouchant sur un Bachelor/des programmes de Master consécutifs, la formation continue, la recherche et le développement (R&D) appliqués et les services destinés à la pratique.
Bibliographie
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