La durabilité dans les organisations de formation continue. Un regard sur la pratique
La durabilité est traitée de manière très variée par les prestataires de formation continue: c’est ce que nous montre la pratique. En nous appuyant ci-après sur l’exemple de cinq prestataires, nous étudierons les questions sur lesquelles se penchent les organisations de formation continue. Nous constaterons clairement qu’il ne s’agit pas uniquement de concevoir des programmes et des cours avec plus de durabilité et d’intégrer cette thématique au programme, mais aussi de raisonner dans le sens de la durabilité lors de la prise de certaines décisions stratégiques, telles que le choix de l’emplacement, les investissements dans des travaux ainsi que la sélection des partenaires.
L’équipe de rédaction d’EP a interrogé cinq prestataires de formation continue pour savoir comment ils traitaient la durabilité. Dans l’ensemble, la teneur était la même: d’après les réponses données, le sujet est pris très au sérieux. Mais les différences sont considérables. L’éventail des comportements va d’une stratégie de développement durable qui s’étend au groupe entier, avec calcul du bilan carbone et définition d’objectifs concrets, jusqu’à des tentatives plus ou moins systématiques de réduire l’empreinte écologique dans l’activité quotidienne de l’entreprise. Ainsi, les prestataires interrogés sont tous soucieux de ne pas gaspiller les ressources telles que le papier et le matériel de bureau, ils tendent à utiliser des matériaux pédagogiques sous forme numérique plutôt qu’imprimée, ils s’abstiennent de proposer des bouteilles en plastique dans leur offre de boissons ou ils appliquent tous des mesures ponctuelles semblables.
La numérisation des tâches administratives peut aussi être considérée comme entrant dans ce contexte, comme le souligne Pro Senectute qui, en 2023, a décidé d’accorder une plus grande importance à la durabilité dans son travail et de revoir ses valeurs stratégiques en conséquence. Cependant, il ne faut pas oublier que la numérisation est à double tranchant. Certes, on réduit la quantité de papier, mais la consommation d’électricité augmente dans le même temps. Et dans les calculs, il ne faut pas oublier de prendre en compte la fabrication et l’élimination des appareils.
L’importance du choix du lieu
Un facteur déterminant, pour une plus grande durabilité, est l’endroit où les cours ont lieu et son accessibilité en transports publics. Pour beaucoup de prestataires, il va de soi aujourd’hui que les locaux où sont organisés les cours se situent dans un endroit central et bien relié au réseau de transports en commun. Et bien entendu, que le personnel se passe, lui aussi, de sa voiture. Il est possible d’avoir recours à des mesures incitatives à cet effet. Il peut s’agir, par exemple, d’une contribution à l’abonnement demi-tarif pour les membres du personnel, comme c’est le cas chez AKAD. Mais il existe également des initiatives plus sportives ou ludiques qui peuvent aussi contribuer à la durabilité, notamment la participation à des campagnes de promotion telles que Bike to Work, comme chez Academia Education.
Les activités susmentionnées vont certainement dans le bon sens. Bien souvent, en mettant ces mesures en place, le prestataire effectue aussi un important travail de sensibilisation auprès des personnes qui suivent ses cours: ces dernières repartent de la formation non seulement avec de nouvelles connaissances spécialisées, mais aussi avec une plus forte conscience environnementale. Toutefois, il faut se demander s’il est réellement possible de contrôler la durabilité de manière systématique et efficace, si on ne la mesure pas systématiquement.
Mesure et rapport
Parmi les entreprises interrogées, seule AKAD, en tant que membre du groupe éducatif Kalaidos et dans le cadre de la stratégie de son propriétaire (le groupe Klett), déclare posséder un concept de durabilité à proprement parler. Elle rapporte s’être engagée à suivre les objectifs climatiques de l’Accord de Paris, dont le but est de limiter le réchauffement planétaire à 2°C maximum, et à 1,5°C dans la mesure du possible.
AKAD a établi son bilan carbone pour la première fois en 2021 dans le cadre de sa stratégie climatique. Elle souhaite continuer à réduire ses émissions de CO2 jusqu’en 2028, et compenser ses émissions restantes par le financement de projets de lutte contre le changement climatique. Son objectif: la neutralité climatique pour 2028. Le groupe éducatif Kalaidos Suisse a obtenu le label Swiss Climate Footprint (bronze) dans le cadre d’un audit indépendant. En 2021, le bilan carbone d’AKAD s’élevait à 126 tonnes de CO2. Cela équivaut environ à soixante voyages individuels en avion de Zurich à New York en classe économique.
La fondation Centre d’Éducation Permanente CEP prévoit également d’établir son bilan carbone dans les années à venir. Elle présume que le plus grand impact est produit par l’orientation de la mobilité de ses élèves vers les transports en commun. Effectivement, AKAD a déterminé que les domaines du chauffage et des déplacements aller-retour constituaient des points de grande importance. C’est pourquoi l’on s’y engage à passer progressivement aux énergies renouvelables et à mettre au point un concept de mobilité durable, comme l’écrit Claudia Zürcher, cheffe d’entreprise chez AKAD et directrice du secteur de politique éducative au sein du groupe Kalaidos.
Comme c’est toujours le cas pour les dispositions et objectifs d’ordre stratégique, mesures et rapports jouent un rôle central dans les stratégies de développement durable. AKAD établit chaque année son bilan carbone. Elle soumet son rapport au conseil d’administration ainsi qu’à son propriétaire, le groupe Klett.
L’École-club, quant à elle, déclare s’efforcer de réduire ses émissions de CO2, ce qui s’observerait tout particulièrement lors des restaurations de locaux ou lors des nouvelles constructions. Elle envisage actuellement d’élaborer des rapports concernant les émissions de CO2.
Il est nécessaire de communiquer sur les efforts en matière de durabilité pour qu’ils soient bien compris et également suivis par la clientèle et le personnel. En 2022, AKAD a créé la fonction d’«ambassadeur ou ambassadrice du développement durable», pour propager l’engagement dans toute l’entreprise et dans le réseau du groupe Klett. La fondation CEP, quant à elle, a fondé un «cercle de la durabilité» composé de membres de son personnel, où une personne assume la fonction de responsable en développement durable. Academia Education souhaite transmettre sa culture d’entreprise et ses objectifs de durabilité à son personnel dans le cadre de cours en ligne dédiés aux nouveaux membres de l’entreprise. L’organisme accorde également une grande importance à sa newsletter interne sur le sujet.
Des cours sur la durabilité
Certains prestataires considèrent que la formation continue elle-même représente déjà une contribution au développement durable, même si ce n’est pas au sens écologique strict. Selon eux, l’opportunité d’atteindre l’employabilité, ou de rendre possible l’intégration sociale grâce à l’éducation, constitue une participation majeure à la durabilité, autant à l’échelle individuelle qu’à celle de la société. Ou, comme le formulent les responsables de la fondation CEP: la durabilité serait, pour ainsi dire, leur mission principale grâce au développement de compétences transversales, individuelles et collectives. «Nous formons à aujourd’hui et à demain, sur le long terme et avec l’objectif de transformer les pratiques.» L’École-club, qui est l’un des plus grands prestataires éducatifs de Suisse, fait également référence à ce rôle de la formation continue.
La thématique de la durabilité est parfois aussi intégrée directement dans les cours proposés. La gamme s’étend des cours de finance durable jusqu’à ceux de «couture durable». Pour son CAS en «management et gestion du changement», le CEP s’oriente sur les Inner Development Goals: une initiative créée et soutenue par plusieurs organismes pour promouvoir les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU. Les compétences transmises dans les cours doivent, bien entendu, être vécues par l’organisme lui-même.
Néanmoins, toutes les offres portant sur la durabilité ne sont pas effectivement demandées et recherchées, comme certains organismes en font état. De plus, certaines contraintes (administratives, par exemple) font parfois obstacle aux objectifs de réduction. «Dans notre quotidien opérationnel, on apprend vite que la stratégie d’entreprise, le cours mandaté et la stratégie climatique se heurtent parfois dans un champ de tension qui n’est pas toujours simple à résoudre», écrit Claudia Zürcher de chez AKAD. Il est d’autant plus important que les prestataires de formation continue puissent aussi s’appuyer sur des partenaires qui suivent également une logique de durabilité, et sur des initiatives qui les soutiennent pour atteindre leurs propres objectifs. On évoquera, par exemple, le projet national «Klima Check». Ce dernier souhaite motiver les décisionnaires à se pencher de manière ciblée sur le bilan climatique de leur institut, à procéder à une autoévaluation de leur organisme et à organiser, sur cette base, des activités pertinentes pour le climat.
Régis Ackermann, directeur de l’École-club Migros, écrit que la transformation vers une durabilité plus forte constitue un processus continu, qui nécessite de l’engagement à tous les niveaux. Ce qui distingue les efforts de durabilité dans la formation continue par rapport aux autres branches, c’est, sans aucun doute, sa double mission: d’une part, il s’agit d’inculquer la durabilité au sein de l’entreprise elle-même, d’autre part, ces organismes transmettent, dans leur cours, des connaissances et conduites pour un comportement durable envers nos ressources. Cette double approche est ambitieuse. Mais, du moins dans les cas cités, elle semble bien correspondre à la conception que les prestataires ont d’eux-mêmes et de leur rôle, en tant qu’acteurs responsables au sein de notre société.
Les prestataires de formation continue interrogés
L’École-club est une marque de la société Miduca AG, une entreprise du groupe Migros. Elle dispose d’une offre très diverse dans les domaines des langues, de la santé et de la créativité pour les particuliers et pour les entreprises ou institutions. Elle propose également la location de ses locaux.
Contact: Sabina Cadalbert
AKAD fait partie du groupe éducatif Kalaidos. Ce dernier a été racheté par le groupe allemand Klett en 2019. L’offre d’AKAD englobe plusieurs filières de maturité professionnelle, l’offre passerelle vers l’université, la maturité gymnasiale, des cursus en haute école spécialisée ainsi que des cours de formation continue professionnelle et générale et des cours de langue.
Contact: Claudia Zürcher
L’Academia Education AG propose, sous ses deux marques Academia Languages et Academia Integration, des cours classiques de langues ainsi que des programmes d’intégration pour les enfants, jeunes et adultes étrangers. Cette entreprise fait partie d’Academia Group AG, un groupe éducatif géré par un propriétaire-dirigeant.
Contact: Antoinette Breutel
Le Centre d’Éducation Permanente (CEP) est une fondation à but non lucratif, dédiée à la formation continue pour les administrations publiques et organisations parapubliques. Il offre ses compétences en matière de conseil et de recherche en gestion et développement des ressources humaines dans la fonction publique, conçoit des programmes de formation sur mandat d’organismes public ou de sa propre initiative et met en œuvre des mesures de formation continue pour le personnel d’institutions publiques.
Contact: Annick Wagner, Favre Patrick
Pro Senectute est le plus grand organisme spécialisé de Suisse offrant des prestations en rapport avec les questions liées à la vieillesse. Il organise, entre autres, des cours dédiés aux personnes âgées dans toute la Suisse.
Contact: Alain Huber