28.05.2024
N°1 2024

Interrompre! Semer le désordre! Déranger! La Critical Diversity Literacy comme méthode d’analyse et d’intervention pour les cultures d’apprentissage sensibles à la diversité

Cet article s’intéresse à la manière dont les rapports de pouvoir peuvent être analysés à l’aide de la Critical Diversity Literacy et comment les ordres et les conceptions de la normalité qui se sont développés au fil du temps peuvent être déconstruits. Le concept de Critical Diversity Literacy se présente comme réponse à une préoccupation sociale qui aspire à davantage de justice sociale ne se réalisant que par une approche collective. En se concentrant sur les points de jonction des dispositions et des ordres institutionnels, des tactiques de l’irritation peuvent être envisagées dans des ateliers de formation continue. La pratique de lecture performative et critique sert à démasquer de puissantes stratégies d’exclusion et à initier des changements dans les organisations.

«We need feminist and antiracist critique because we need to understand how it is that the world takes shape by restricting the forms in which we gather.»

(Ahmed 2012, p. 182)

À partir d’où faut-il penser la diversité?

Lorsque vous vous penchez sur le thème de la diversité, ne vous êtes-vous pas déjà demandé quelle était la question dont la réponse est «la promotion de la diversité et de la variété»1? Actuellement, alors que d’importants processus de transformation de la société sont à l’œuvre, il semble qu’il soit à la mode, dans les organisations, de réagir avec une ‹gestion› plus forte de la diversité. Dans cette optique, il s’agit d’organiser de manière optimale les relations entre une organisation et les ‹autres› qui la composent, d’exploiter efficacement la diversité des perspectives et de gérer les conflits. Dans la vision du ‹management›, la ‹diversité et la variété› servent uniquement à apporter quelques touches colorées aux habitudes institutionnelles. Dans la lignée de Sara Ahmed, nous partons du principe que dans cette logique du management, les ‹différences› réelles sont individualisées d’une manière totalement improductive. Dans le même temps, les inégalités structurelles et les injustices sont masquées, tandis que la diversité est présentée comme une valeur ajoutée commercialisable. Sara Ahmed parle dans ce contexte d’un «sourire de la diversité» qui sert de badigeonnage pour éluder le caractère structurel des exclusions (Ahmed 2024, p. 7). Selon elle, le discours sur la diversité n’agit pas comme une solution politique en faveur de la justice sociale, mais comme une technologie qui peut réduire au silence les discussions en cours sur les discriminations (cf. Boulila 2021, p. 87).

Droits sociaux et justice sociale

En revanche, dans cet article, nous plaçons au premier plan la question des droits sociaux et de la justice sociale. Dans ce contexte, la recherche de solutions possibles s’avère un peu plus compliquée. Dans le cas présent, la notion de ‹diversité› invite à une étude critique, parfois difficile. Cette notion vise à détecter les injustices systématiques, inscrites dans les organisations, et à s’attaquer à la discrimination institutionnelle (cf. Gomolla/Radtke 2009). Cette étude est d’autant plus difficile que les formes puissantes de l’inclusion et de l’exclusion institutionnelles sont pratiquement invisibles pour des groupes de population ‹perçus› et catégorisés comme différents. La discrimination institutionnelle est un phénomène largement répandu. Elle est toutefois difficilement détectable au niveau décisionnel. En effet, elle est principalement reconnaissable non pas par des intentions déclarées, mais plutôt par ses effets.

Les conséquences sont des inégalités structurelles, par exemple l’inégalité entre les femmes et les hommes dans les organisations (entreprises, partis, parlement, universités, etc.), notamment sur le plan salarial et/ou de la représentation à des postes-clés. Cependant, et ce constat n’est pas évident pour tout le monde, cette inégalité ne doit pas être imputée aux personnes désavantagées individuellement, mais avant tout aux organisations qui les défavorisent. Répondre à ces dysfonctionnements structurels avec «l’épée à double tranchant de la promotion des femmes» (ibid. p. 13) n’a pas encore apporté de résultats durablement probants à ce jour. De même, la discrimination mesurée statistiquement des personnes immigrées et de leurs enfants dans toutes les organisations de l’État social, à commencer par les crèches, puis l’école, l’entreprise, les hôpitaux, les services de police jusqu’à l’office pour l’emploi, est acceptée ou ‹occultée› de manière consensuelle, en faisant référence à l’inégalité en matière de réussite scolaire, d’emploi et de salaire. «Lorsque l’on ne constate pas d’échec individuel de la part des personnes immigrées, ni un manque de volonté à s’intégrer, leur position sociale ou leur ‹étrangeté culturelle› est citée comme cause; ou, dans le meilleur des cas, on mise sur le fait que le problème disparaîtra de lui-même au bout de trois ou quatre générations.» (ibid.)

Qui a le droit d’être sur la scène?

Cette thématisation des dispositions institutionnelles est difficile car ces dernières fonctionnent comme une scène remarquablement organisée. Dans les organisations, il y a toujours des interprètes et des personnes marginales, une salle avec du public, les coulisses et un extérieur. Des personnages qui n’appartiennent pas à l’action. La scène est une métaphore des discriminations institutionnelles dans laquelle des personnages blancs, masculins, cissexuels et hétérosexuels, appartenant à la classe moyenne, jeunes et capables, chrétiens, sont systématiquement visibles de manière privilégiée et sont en permanence en action ou représentés. Le concept de Critical Diversity Literacy modifie sciemment la perspective d’observation habituelle: il ne s’intéresse pas au ‹facteur subjectif› de part et d’autre du processus de discrimination, mais au rôle de l’organisation dans la production et la légitimation d’un ‹agencement de normes› qui introduit systématiquement des différences qui créent une différence2. Les personnes qui ne correspondent pas à cet ‹agencement de normes› (blanc, cissexuel et hétérosexuel, classe moyenne, jeune et capable, chrétien) sont étiquetées comme étant les ‹autres› , les ‹gens différents› . Traditionnellement, on cite sept différences selon lesquelles les principales disparités doivent se manifester. Nous les appelons également les axes de diversité puissants. Les ‹big seven› sont le genre, l’origine, l’orientation sexuelle, la religion, la classe, le handicap et l’âge. En tant que catégories de diversité, elles servent uniquement à faire apparaître les différences introduites comme établies et ‹naturelles›. Dans le même temps, des différences sont réalisées précisément selon ces axes de différence et c’est avec ces différences que le ‹centre› institutionnel de la société se stabilise et trouve sa légitimité.

La Critical Diversity Literacy offre une possibilité de dépister les mécanismes de la discrimination institutionnelle à l’œuvre dans les organisations. Dans le même temps, un questionnement fondamental sur ces dispositions institutionnelles ainsi qu’un questionnement systématique le long des jonctions déclenchent assez souvent des réactions de défense bruyantes: éveil (‹Wokeness!›), intérêts particuliers!, politique identitaire! ou culture de l’effacement (‹Cancel Culture!›). Ces interjections sont employées au moment même où les questions critiques sont adressées aux actrices et acteurs sur la scène, qui les balaient sans réflexion sur leur contenu; les personnes qui posent les questions étant ainsi délégitimées de manière indifférenciée depuis la scène. Cette figure discursive est volontiers utilisée dans les pages culturelles journalistiques pour représenter de manière hystérique les protestations contre le racisme, le sexisme, le validisme ou la queerphobie, et pour décrire celles et ceux qui protestent comme des personnes hypersensibles ou agressives (cf. Boulila 2021, p. 88).

Dans ces dispositions institutionnelles, également dans les institutions de formation continue, il manque selon nous des personnages importants avec leurs expériences collectives, cela en raison des rapports de pouvoir existants. Il convient de prendre en compte ces voix et ces activités avec précision. Dans le contexte de rapports d’injustice historiquement établis et qui sont à l’œuvre à l’heure actuelle dans les organisations, elles ont une importance cruciale pour esquisser des réponses à toutes les questions qui sont encore loin d’avoir été posées (cf. Ahmed 2024, p. 89). Pour que tous les individus puissent apparaître sur la scène comme des personnages autonomes, des dispositions et des dramaturgies radicalement nouvelles sont nécessaires.

Cet article présente les processus nécessaires à cet effet, qui doivent être perçus comme un mouvement de recherche permanent sans réponse définitive. Nous décrivons ici la vision et la possibilité concrète d’un désapprentissage des privilèges et d’une perspective permettant de transformer les institutions démocratiques de sorte qu’elles deviennent plus justes à l’avenir. Dans l’esprit de la citation de Sara Ahmed en début d’article, la Critical Diversity Literacy vise à découvrir des ‹points de jonction›, à les comprendre comme des limites apparemment établies et à rester attentif aux petites inégalités du quotidien, aux mécanismes invisibles du pouvoir et aux conditions qui fabriquent l’inégalité et la discrimination institutionnelle. Il s’agit de comprendre les limites qui nous empêchent de concevoir et de vivre dans un monde aux formes plus justes.

Le courage d’interrompre! Déceler les points de jonction

Judith Butler (Butler 1991, p. 26) nous apprend que non seulement les sujets et les identités, mais aussi les pratiques culturelles et les dispositions institutionnelles – en bref, les scènes sociales sur lesquelles nous interagissons – sont imprégnées de domination. Plus précisément: elles se constituent en permanence selon la logique incontournable du ‹normal› et par la production sociale et culturelle de l’‹autre›, individu rejeté, exclu ou différent. Dans le même temps, Butler nous montre que l’ordre de la normalité est toujours précaire, justement parce qu’il n’est pas ‹naturel›, mais qu’il doit constamment être recréé et à nouveau stabilisé. Chaque ordre qui, en tant que ‹norme›, impose sens et identification, ne peut perdurer que via la répétition par chacune et chacun d’entre nous (cf. ibid.). Tout ordre de normalité est donc tributaire des répétitions et du consentement, même implicite. Étant donné que la réalité empirique est beaucoup plus riche que n’importe quelle norme, tout ordre de normalité est nécessairement instable. Des accidents, contradictions, ruptures et écarts sont constamment produits au niveau des actions quotidiennes étant donné que la réalité empirique, au vu des différences possibles, est beaucoup plus diversifiée que ne le suggère la norme, nécessairement réductrice. La Critical Diversity Literacy doit être comprise comme un procédé qui intervient au niveau de ces «points de jonction» (Laclau/Mouffe 1991, p. 157). C’est au niveau de ces derniers, que l’on peut imaginer comme des situations quotidiennes irritantes, dans lesquelles quelque chose ‹ne s’ouvre pas›, que des fissures sont décelables dans les ordres de différence et/ou de normalité établis. Dans le meilleur des cas, on laisse se produire des accidents à ces points de jonction et on s’attaque ainsi à l’«autorité de la norme» (ibid.). Toutefois, déceler les résistances et les fragilités d’un ordre de normalité exige une profonde compréhension des dispositions et déroulements institutionnels.

Nous concevons la Critical Diversity Literacy en tant que procédure d’analyse et d’intervention, qui consiste à interrompre, semer le désordre et déranger les ordres de normalité institutionnelle, comme un travail (de transformation) au niveau de ces points de jonction. Elle est particulièrement proche du quotidien et peut revêtir des formes variées. Selon la description donnée par l’artiste et théoricienne culturelle canadienne Erin Manning, quelque chose de soudain, qui interrompt le cours des choses et qui a un effet spéculatif, peut se produire en particulier dans des gestes mineurs, apparemment insignifiants, effectués au quotidien. C’est précisément là que peut se produire quelque chose qui dépasse les limites de la ‹scène› et qui peut comporter de nouveaux effets inattendus. Pour Manning, ces ‹gestes mineurs› («minor gestures») forment le cadre de dissonances et de la ‹mise en scène› des perturbations, qui ont le pouvoir d’élargir les horizons empiriques (cf. Manning 2016, p. 8). Ainsi, selon Manning, chaque geste mineur a en définitive un effet politique: les gestes mineurs créent un espace offrant de nouvelles possibilités de rencontres. De nouvelles et surprenantes formes d’expression et de vie peuvent soudainement se développer et avoir un effet collectif (ibid., p. 21). Aussi engageante et presque euphorique que soit l’image donnée par Manning à ces gestes mineurs, cela ne signifie pas que des changements soient possibles à tout moment. Au contraire: selon Ernesto Laclau, une utilisation analytique dans un premier temps est déterminante. Il convient de vérifier le potentiel disponible dans les situations quotidiennes (availability): le potentiel que «quelque chose» puisse se passer dans la situation et que ce ‹quelque chose› puisse contribuer à un changement de manière crédible (credibility). Dans ses études, Laclau parvient au résultat suivant: plus un ordre de normalité est efficace, plus les fissures doivent agir profondément dans la structure afin de provoquer un changement (Laclau 1990, pp. 39, 66).

La Critical Diversity Literacy peut conduire à une capacité d’action qui entend évoquer des dérangements et provoquer des interruptions. Toutefois, cette capacité d’action ne peut pas être ramenée au rang de l’individu; elle est influencée par des circonstances contingentes, par exemple par le statut que les institutions peuvent attribuer ou retirer à quelqu’un. Qui peut se permettre de poser de ‹mauvaises› questions, et donc d’entraîner des interruptions, sans s’exposer à des vulnérabilités plus grandes, et à partir d’où est-il possible de se le permettre? Pour quels positionnements, au sein des institutions, des possibilités restent-elles verrouillées ou, si une tentative de perturbation est malgré tout entreprise, faut-il s’attendre à des conséquences de grande ampleur? La Critical Diversity Literacy, en tant que pouvoir de déranger et d’interrompre, reconnaît la complexité de cette initiative (notamment le pouvoir d’apprendre à ‹lire› les ordres de normalité afin d’en déceler les fissures). Elle repose sur la solidarité des collectifs qui, grâce à leurs possibilités d’action différemment réparties, peuvent s’engager ensemble pour concevoir un environnement viable et plus juste.

La Critical Diversity Literacy comme procédure d’analyse et d’intervention

Le contexte dans lequel le concept de ‹Critical Diversity Literacy› est apparu réside dans les mouvements post-apartheid en Afrique du Sud. Au cours des deux dernières décennies, Melissa Steyn et ses équipes ont développé avec succès un concept de la réconciliation dans les universités du Cap (University of Cape Town) et de Johannesburg (University of the Witswatersrand). Avec la fin de l’apartheid en 1994, le pays a été confronté à un défi immense: guérir les fractures douloureuses du passé récent et engager un processus public de réconciliation nationale. Sur la base d’une compréhension complexe et passionnée de la ‹diversité›, de nouvelles conceptions de l’attachement et de la communauté étaient indispensables en Afrique du Sud, aux jonctions entre des positions établies et des positions pas encore reconnues (cf. Nuttall/Michael 2000, p.18). Pour que la genèse d’une nation post-apartheid puisse être imaginable, il est nécessaire d’établir des relations entre des formes d’expression culturelle de différents groupes de population et de redécouvrir le décloisonnement de communautés qui possèdent chacune une histoire différente.

Cette configuration historique, sociale et culturelle particulière dans le processus de création d’une nation post-apartheid est la toile de fond du travail de recherche et de développement de Melissa Steyn. En s’appuyant sur les concepts de «Critical Race Theory» (Crenshaw et al. 1995) et de «Critical Whiteness» (hooks 1990), elle met en perspective le contexte et l’histoire en Afrique du Sud et s’intéresse, sur un plan théorique, aux routines de ‹l’oubli actif des autres pour préserver ses propres privilèges. Elle analyse une ‹épistémologie de l’ignorance› (cf. Mills 1997, p.18) et étudie cette ‹ignorance récompensée› comme une position politique ancrée structurellement et une méconnaissance perpétuée qui ne déclenche aucun embarras, car c’est sur la base de cette méconnaissance que s’affirme la propre suprématie (cf. Steyn 2012, p.10).

Melissa Steyn conçoit la Critical Diversity Literacy comme un outil d’analyse qui sert de ‹lunettes de lecture› en se basant sur dix critères qu’elle développe pour permettre une explication analytique des liens entre les rapports de pouvoir, les positionnements, l’intersectionnalité, le présent historique, les identités sociales, la langue, la capacité à décoder, les dispositions matérielles, les émotions et les engagements (cf. Steyn/Dankwa 2021, p. 43; Steyn 2015). Steyn a pour objectif de donner aux gens les moyens d’apprendre à décoder leurs environnements sociaux, et cela toujours dans le contexte d’un processus collectif. Son texte donne non seulement une impulsion à une réflexion critique, mais appelle aussi à créer collectivement des espaces qui permettent d’imaginer de nouvelles réalités sociales (ibid.).

La Critical Diversity Literacy met en lumière les ordres de normalité et/ou leur logique de différences qui produisent des inégalités et des discriminations. Le concept et son orientation en termes d’action visent à donner aux gens les moyens de développer des modes de lecture critiques, orientés sur la diversité, afin de détecter des inclusions et des exclusions au sein des ordres de normalité sociale, des mécanismes de discrimination et d’oppression, et ainsi d’élaborer des possibilités de réponse. De manière générale, la pratique éducative collective a pour objectif un engagement (politique) pour la dispersion et la transformation des orientations qui reposent sur ces structures, au sens d’une réalité sociale plus juste.

La Critical Diversity Literacy désigne une pratique de lecture collective critique et performative avec laquelle les points de jonction dans la structure sont soigneusement décelés. Il convient d’y décoder et de décrire la structure qui révèle que les personnes présentant certaines caractéristiques peuvent se sentir plus à l’aise que d’autres dans les institutions. Ce point de jonction a toujours une longue histoire et masque sa propre origine. Le fait qu’il s’agisse en réalité d’un point de jonction fabriqué (et non d’un droit ‹naturel› ou ‹raisonnable›) reste invisible pour toute personne qui peut se mouvoir dans des espaces visiblement créés pour elle par les institutions3. Le point de jonction devient dans le même temps un mur solide et perceptible pour tous les individus dont les possibilités de mouvement restent limitées du fait de la présence de cette jonction. Sara Ahmed utilise la métaphore du mur pour souligner la particularité du point de jonction, faisant obstacle à tout changement. Percevoir les expériences au niveau des points de jonction signifie également prendre au sérieux les émotions telles que les frustrations, la colère et la déception qui peuvent se manifester ici et les exploiter de manière productive et responsable pour déceler les fissures sur la jonction.

Selon nous, la Critical Diversity Literacy comme procédure d’analyse et d’intervention contribue de manière efficace à déceler les points de jonction et à les aborder. Le traitement des différences a pour exigence d’aboutir à des changements structurels. La diversité devient un point de départ pour remettre en question les perceptions personnelles et collectives, les privilèges et les positionnements. Lorsque l’on aborde les différences, il faut aussi s’intéresser aux rapports de pouvoir. Qui peut occuper quel poste? Qui peut parler à quel endroit et qui sera entendu? Qui reste à l’écart, qui se tait et qui ne sera pas entendu? La Critical Diversity Literacy est le socle d’une pratique de lecture critique et performative à propos des questions en lien avec la diversité qui doivent être décrites dans cet article (cf. Klingovsky/Pfruender 2017; 2021).

La Critical Diversity Literacy comme pratique éducative collective


Dans le cadre de notre projet de recherche et de développement international «Critical Diversity Literacy, Arts and Further Education»4, nous avons pu expérimenter, au sein d’une équipe extraordinaire composée de chercheuses et chercheurs réputés, différents formats avec des outils, pratiques et méthodes, et évaluer les processus de développement observables. Les formats de formation continue réalisés, à savoir les ‹ateliers›, reposent sur la logique de développement didactique et méthodologique de l’apprentissage autonome (cf. Klingovsky/Kossack 2007; 2010). Ils sont alimentés et inspirés par des pratiques culturelles et des productions esthétiques artistiques (cf. Klingovsky/Pfruender 2017; 2021). Ils évoquent des mouvements de recherche performatifs qui doivent être perçus comme un travail sur les points de jonction, et permettent des processus de compréhension individuels ainsi que des tâches de transformation collectives. Ces mouvements de recherche se forment dans des situations où les approches esthétiques jouent un rôle essentiel. Des figures-clés telles que bell hooks, Sara Ahmed, Toni Morrison, Audre Lorde ou Stuart Hall nous inspirent par leurs positions et approches et donnent contours aux thématiques que nous assemblons de manière collective et multidimensionnelle avec les voix d’autres personnes détentrices de savoir5. Avec ces perspectives de contenu, nous nous interrogeons systématiquement durant le processus de transformation didactique et méthodologique: quelle scénographie est nécessaire pour une conversation productive? Quelle chorégraphie faut-il imaginer pour les personnes participantes? Comment peut se dérouler une dramaturgie qui rythme un atelier depuis l’arrivée des personnes participantes jusqu’à leur départ? Cette partie préparatoire et exploratoire, invisible pour les personnes participantes aux ateliers, se nourrit du fait que toutes les idées sont développées, interrogées, rejetées et reconstruites collectivement dans un processus qui dure plusieurs mois (cf. Klingovsky/Pfruender 2017). Les quatre principes suivants, issus du travail de concrétisation de la Critical Diversity Literacy, guident le travail éducatif. Ils sont essentiels pour développer des ateliers dans lesquels des dispositions institutionnelles et organisationnelles sont transformées au niveau de leurs points de jonction au moyen de la Critical Diversity Literacy.

1. Analyser et traiter systématiquement à trois niveaux les puissantes inclusions et exclusions ainsi que la discrimination intersectorielle 


Les puissantes inclusions et exclusions dans les organisations de formation peuvent être analysées et traitées selon trois niveaux culturels et didactiques: au niveau micro des institutions, nous parlons d’interactions concrètes dans des situations d’apprentissage et d’enseignement et de leurs exclusions, à la fois sur le plan du contenu (de quoi s’agit-il ici?) et au niveau social (qui participe avec quelles ressources?). Au niveau méso, il est question des programmes, des règles et des mécanismes concrets et/ou des outils; les questions sur l’espace et/ou la communication sont en jeu, tout comme la question de savoir dans quelle mesure l’enseignement et l’apprentissage sont inclusifs et non discriminatoires. Au niveau macro, les débats et les logiques d’organisation des institutions figurent au premier plan, tout comme les questions de l’accessibilité à l’institution: qui est présent et qui occupe quel niveau hiérarchique?6

Dans le contexte des ‹Disability Studies›, l’exemple des hautes écoles montre un ensemble complexe d’obstacles, par ex. lorsque les accès à l’institution sont rendus compliqués, voire impossibles par l’architecture et le type de construction (p. ex. uniquement des escaliers à l’entrée). Autre exemple: lorsque les programmes et filières d’étude sont conçus de sorte qu’ils peuvent être réalisés uniquement dans le cadre d’études à temps plein. Finalement, la formation et/ou la formation continue est conçue de sorte que certaines personnes ne peuvent pas participer (écouter ou voir). Tout en ayant conscience de l’imbrication des agencements institutionnels aux niveaux micro, méso et macro et des injustices intersectionnelles, il convient de déceler avec précision les points de jonction à partir de plusieurs perspectives, pour les traiter et concevoir de nouveaux imaginaires collectifs d’une institution plus inclusive et plus juste. Selon nous, ces trois niveaux culturels et didactiques sont l’objet principal d’une analyse systématique. En effet, les changements concrets dans les organisations de formation peuvent être conçus de manière durable uniquement si l’on a conscience de leur texture.

2. Jamais sur nous sans nous

Toute personne qui fait l’expérience répétée de situations d’exclusion et de rejet en raison de sa couleur de peau, de son orientation sexuelle, religieuse, de sa conception de la neurodiversité, ou en raison d’autres caractéristiques que le patriarcat blanc est marquée comme ‹différente›, acquiert un savoir qui, dans cet acte de ‹rendre particulier› , révèle également la manière dont les ordres de normalité organisent leurs exclusions. Ces expériences doivent toujours être également considérées dans leurs dimensions émotionnelles; elles laissent des traces qui ne sont pas seulement significatives pour un individu, elles ont aussi une résonance plus large. Ces blessures révèlent une injustice qui nous limite toutes et tous dans notre humanité. Le principe ‹jamais sur nous sans nous› (‹never about us without us›) ‹nous› renvoie à un collectif solidaire qui rassemble les expériences d’exclusion et de différenciation vécues en tant que savoir partagé, et en voulant les rendre visible, peut aussi devenir politiquement actif donnant visibilité et voix. Ne pas parler de la diversité, mais s’engager avec ces personnes détentrices du savoir signifie ouvrir un espace pour aborder des questions encore sans réponse. Au cœur des exclusions collectives se créent ainsi des possibilités de zones de contact dans lesquelles différentes connaissances peuvent être partagées et rendues productives. Les zones de contact sont des formes d’espaces créés de manière collective, dans lesquelles se rencontrent différentes positions sociales et culturelles et dans lesquelles un ordre spatial peut se créer de manière performative tenant compte des rapports de force donnés (Pratt 1996, p. 6 ss). Les zones de contact sont nécessairement aussi des lieux d’incertitude.

Pour permettre la création de tels lieux, dans lesquels aucune réponse n’est encore apportée, il faut, dès la préparation des ateliers de formation continue, impliquer les personnes/collectifs avec les connaissances spécifiques à chacune et à chacun. La conception de zones de contact exige également une réflexion approfondie sur les conditions éthiques et la nature esthétique de l’espace dans lequel un échange peut avoir lieu. Il faut un espace sûr, dans lequel aucun nouveau traumatisme n’est à craindre, mais où les vulnérabilités peuvent apparaître et entrer dans un processus de négociation. Le principe ‹never about us without us› est donc un impératif pour le développement et la réalisation de la formation continue dans les organisations et/ou dans les processus d’apprentissage organisationnels: les manifestations dans le domaine de la diversité ne doivent être proposées que si des personnes co-actrices de l’organisation sont impliquées dans la conception et préparation du contenu au même titre que les personnes détentrices de savoir spécifiques.

3. Le désapprentissage, un travail au sein du collectif

La confrontation attentive avec la Critical Diversity Literacy a pour finalité un mouvement du ‹désapprentissage› qui, avec Gayatri Spivak (1996, p.4), doit être compris comme un questionnement critique de ses propres privilèges. Le concept de désapprentissage n’est pas seulement une invitation à faire silence lorsque ‹l’autre› s’exprime, même si ou précisément parce que le fait de s’exprimer comporte le risque de perdre ses propres privilèges. Le concept invite aussi à apprendre toutes les formes de savoirs qui, jusqu’à présent, ne sont pas accessibles via sa position privilégiée. Le désapprentissage vise, d’une part, à «désapprendre nos privilèges de parler et d’être écouté» (Castro Varela/Dhawan 2003, p. 279) et, d’autre part, «à oser une réflexion sur le processus long, parfois pénible et douloureux, parfois excitant et plaisant, qui consiste à dépasser et à traiter les certitudes inculquées, qui perpétuent les rapports de pouvoir.» (Sternfeld 2014, p. 19). Le désapprentissage doit être perçu comme une sorte d’exercice consistant à rompre lentement et progressivement avec les pratiques apprises et les habitudes des différences puissantes entre ce qui fait partie de ‹soi› et des ‹autres› qui se sont établies dans l’habitus, le corps et les actions, pour parvenir à une «posture esthétique»7.

Comme les principes précédents, le désapprentissage de ses propres privilèges ne peut aboutir que dans des cadres collectifs, dans lesquels la diversité des personnes participantes est admise comme étant une condition de réussite. Le mouvement de désapprentissage des privilèges implique donc la création de conditions dans lesquelles nous reconnaissons les obstacles, les nommons et examinons notre propre implication dans ceux-ci.

4. Créer une scène pour les récits

Il est important de reconnaître et de nommer son propre positionnement social au sein de l’organisation et de la société. Des positionnements et des rôles qui semblent se jouer sans remise en question, s’organisent sur nos scènes sociales. Au moyen d’exemples de cas concrets et avec la reconstitution de situations vécues, des situations de déséquilibres dans le contexte de la différence et de la diversité peuvent devenir concrètes et claires. Nous qualifions cette variante méthodologique comme un ‹récit d’histoires›. Sur la base de situations personnelles vécues, un environnement est créé, dans lequel les ‹récits› sont lus à partir d’un cas individuel concret pour inclure ensuite des contextes plus larges. Ces récits font revivre des moments qui comportent souvent des blessures et des irritations qui, d’une manière ou d’une autre, continuent d’agir. C’est seulement par une écoute attentive que l’on peut comprendre dans quels contextes, avec quelle perception des rôles et à partir de quels ordres de normalité sociaux et culturels intériorisés le récit est raconté.

Des stratégies du décentrage peuvent être élaborées à partir des ‹récits›. Donner une scène à ces ‹récits› signifie aussi entrer dans une émotion collective, pouvoir comprendre certaines situations et des lieux spécifiques, de sorte que leur rapport avec le pouvoir social agit pour ainsi dire sur le plan physique (cf. Haraway 1996, p.15).

Les ateliers deviennent ainsi des lieux dans lesquels une écoute attentive accompagne une parole tout aussi attentive et consciencieuse, et dans lesquels les ‹récits› déclenchent une réflexion qui peut partir de soi-même et englober ensuite l’environnement de travail et l’institution. Créer une scène pour les récits signifie aussi trouver un cadre esthétique qui invite à l’écoute, au partage et à l’imagination. Agencer les formats de formation continue comme des espaces esthétiques signifie permettre aux personnes participantes de vivre des ‹changements de lieu› via l’utilisation de diverses formes symboliques et esthétiques, et de quitter leurs propres liens sociaux.

Conclusion

Nous espérons vous avoir donné de l’inspiration grâce à cette incursion dans les paysages de la diversité et que vous pourrez concrétiser ces impulsions lors d’ateliers de formation continue. Un message ramène à la réalité: il n’existe pas de recette qui puisse être mise à disposition, mais seulement l’invitation à s’engager dans un processus dans lequel ce qui fait partie de ‹soi› et une compréhension de l’‹autre› doivent être remis en question dans une pratique de lecture collective. Il convient de développer un vocabulaire permettant une discussion sur les privilèges et la discrimination dans les institutions et les entreprises. La tâche d’apprentissage consiste à analyser, à traduire et à réinterpréter les pratiques hégémoniques dans des situations concrètes du quotidien. Cela implique également d’identifier les mécanismes de discrimination institutionnalisés et hiérarchisés, et de développer une compréhension analytique approfondie des effets discriminatoires du contexte social et des arrangements matériels qui s’y trouvent.

Dans des contextes d’éducation et de formation continue, la Critical Diversity Literacy peut signifier une analyse précise des accès aux ressources, à la formation, à la carrière et aux réseaux, et impliquer une réflexion sur leurs omissions problématiques. L’invitation à interrompre, à semer le désordre et à déranger est ici une stratégie d’autonomisation. Elle entraîne des incertitudes que les institutions perçoivent la plupart du temps comme une source de complications déplaisantes. C’est une autonomisation qui consiste à placer un obstacle sur la voie et à empêcher que tout continue à fonctionner comme auparavant. Sara Ahmed comprend cela comme une invitation lancée à toutes les actrices et acteurs: «Nous avons peut-être besoin d’être la cause du blocage. Nous avons peut-être besoin de nous mettre dans le passage si nous voulons aller quelque part. Nous avons peut-être besoin de devenir des points de blocage en pointant du doigt les points de blocage.» (Ahmed 2012, p. 186).

  1. En Suisse, la notion de ‹diversité› est souvent simplement traduite par la promotion de ‹la diversité et la variété› (cf. p. ex. https://www.diversityreport.ch/wp-content/uploads/2021/06/3.-Juni-2021-Diversity_Report_CH_2021_GetDiversity.pdf).
  2. Ainsi, en général, on veille à ne pas considérer comme une disparité culturellement importante la différence entre une personne sans domicile fixe et une personne employée dans une banque, ou celle entre une religieuse et une directrice d’entreprise.
  3. The wall is what we come up against: the sedimentation of history into a barrier that is solid and tangible in the present, a barrier to change as well as to the mobility of some, a barrier that remains invisible to those who can flow into the spaces created by the institutions. (175)
  4. Informations complémentaires sur ce projet global sur www.critical-diversity-literacy.ch
  5. Notre publication contient des enseignements essentiels sur cette pratique éducative, cf. Éducation. Pouvoir. Diversité: Critical Diversity Literacy im Hochschulraum (Dankwa et. al. 2021).
  6. Lorsque l’on prend en considération non plus le jour mais la nuit, on constate la manière dont les institutions organisent l’exclusion: d’après des données empiriques, c’est entre 20 heures et 5 heures du matin que la plupart des institutions de formation et des entreprises appliquent le plus le principe de diversité. C’est en général pendant ce créneau horaire que le personnel de nettoyage effectue son travail.
  7. Cette «posture esthétique» inclut le questionnement introspectif, l’intuition et la sympathie comme une condition requise et une possibilité pour découvrir de nouvelles formes de perception, de responsabilité, d'expérience, de collectif et de nouvelles relations avec un environnement de vie (Manning 2016, p. 56).

Bibliographie

Ahmed, S. (2024): Feminist Killjoy. Ein Handbuch für die feministische Nervensäge. Münster: Unrast Verlag.

Ahmed, S. (2012): On Being Included. Racism and Diversity in Institutional Life. Durham and London: Duke University Press.

Boulila, S. (2021): Ist Diversity antirassistisch? Dans: Serena O.Dankwa, Sarah-Mee Filep, Ulla Klingovsky, Georges Pfruender (Eds.): Bildung.Macht.Diversität. Bielefeld:Transcript Verlag, p. 79-90.

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