23.11.2021
N°2 2021

Planifier la formation continue dans de nouvelles conditions – quatre points de vue issus de la pratique

Le dossier de cette édition d’EP met en lumière les changements actuels que traversent les institutions de formation continue et leur personnel et placent ces changements dans une perspective scientifique. Dans la partie pratique, des représentants issus du terrain s’expriment. Ils présentent de manière exemplaire les évolutions et défis auxquels leurs institutions font face et leurs répercussions sur la planification des programmes et des offres et sur leur personnel.

Le dossier de cette édition d’EP tente de déterminer, d’un point de vue scientifique, dans quelle mesure les exigences concernant la pratique professionnelle et les compétences du personnel de la formation continue ont changé en raison des récentes évolutions sociales. L’étude se concentre surtout sur le personnel de direction et de planification, c’est-à-dire les niveaux macro- et mésodidactiques dans les établissements de formation. Elle englobe aussi le niveau microdidactique, avec le personnel enseignant. Des études empiriques récentes sont présentées et des analyses théoriques sont effectuées.

Pour la partie pratique de cette édition, nous avons souhaité donner la parole à des spécialistes de la pratique de la formation continue. L’objectif était d’obtenir un aperçu concret de la pratique de formation actuelle, de se rapprocher le plus possible de la pratique professionnelle des responsables de la planification des programmes de formation et de connaître leurs expériences et leur point de vue. Ils ont été interrogés sur les changements qu’ils observent dans la formation continue et sur les nouvelles compétences exigées qui en résultent selon eux, notamment dans la planification des programmes et des offres.

Lorsque nous avons interrogé les représentants issus de la pratique, nous avons bien entendu souligné le fait que la pandémie de coronavirus et son effet potentiellement disruptif ont pu avoir une influence importante dans les réponses aux questions. Cependant, les articles ne se concentrent pas exclusivement sur la pandémie mais abordent aussi les évolutions et les défis à moyen terme (3 à 5 ans) dans le secteur de la formation continue.

Quatre parcours exemplaires vers le changement

Les quatre articles suivants se penchent sur les nouvelles exigences en termes de compétences et présentent des exemples types, issus de la pratique, dans des institutions de formation continue qui sont actives dans différents secteurs de la formation continue et qui travaillent avec différents groupes cibles. Tandis que le Centre de didactique et de développement des hautes écoles de la Haute école pédagogique de Zurich (PHZH) travaille surtout avec un public essentiellement universitaire, l’offre de l’ECAP s’adresse en majorité à des personnes peu qualifiées, qui ont des lacunes dans les compétences de base. Le principal objectif de formation de l’ECAP est donc l’intégration professionnelle et sociale de personnes issues de l’immigration. L’offre de formation du département de formation continue interne des CFF s’adresse à l’ensemble du personnel de l’entreprise. Les CFF tentent d’instaurer une culture d’apprentissage qui met l’accent sur la compétence d’auto-apprentissage. Enfin, l’exemple de l’Institut de la formation professionnelle initiale et continue (IBAW) et des écoles-clubs de la coopérative Migros Lucerne montre ce à quoi peut ressembler une transformation radicale vers une organisation d’entreprise agile. Il présente aussi les problèmes induits par cette transformation et le potentiel identifié par les responsables.

Toutes les institutions estiment que la transformation numérique jouera un rôle de plus en plus important dans leur offre. Cela répond parfois à un besoin des participant·e·s. Seule l’ECAP proposera à nouveau majoritairement des cours en présentiel, dans la mesure où la situation sanitaire le permet. Raison de ce retour au présentiel: de nombreux participant·e·s aux formations de l’ECAP ne disposent pas de l’équipement technique ou des compétences informatiques nécessaires. Toutefois, par rapport à la période prépandémie, l’ECAP accordera à l’avenir une importance plus grande au numérique. Elle n’a pas seulement créé une offre supplémentaire qui est exclusivement disponible en ligne. Elle veut aussi préparer mieux ses participant·e·s peu qualifiés à la communication numérique et aux cours à distance en leur transmettant des connaissances de base en technologies de l’information et de la communication (TIC) dans des cours préparatoires. L’hypothèse formulée dans le dossier de cette édition d’EP, selon laquelle la transformation numérique aura des effets durables et aussi des répercussions sur la conception des programmes, se confirme dans toutes les institutions.

L’enjeu ne se limite pas à la numérisation des offres

La transformation numérique des formes d’apprentissage et d’enseignement décrite dans les articles n’est pas le seul changement. Il est aussi question de changements en termes de contenu, comme on peut le voir dans l’article de Tobias Zimmermann et dans la description de la «nouvelle culture d’apprentissage» des CFF. La préparation à des évolutions qui ne se déroulent pas de manière linéaire et la transmission des compétences nécessaires à cet effet sont au centre de l’attention.

La capacité à gérer cette dynamique du changement place les institutions devant différents défis. Elles doivent être plus mobiles, plus souples ou plus agiles. Les CFF poursuivent cet objectif en créant des possibilités d’apprentissage complètes. L’entreprise ferroviaire espère devenir plus agile grâce à la formation continue, qui n’est pas seulement orientée sur l’application. La question est de savoir si cela suffit ou si les organisations, pour être agiles, ont également besoin de structures agiles. L’exemple de l’IBAW montre que cela nécessite non seulement une transformation radicale, mais aussi l’instauration d’une nouvelle culture.

Les répercussions que ces changements entraînent sur le travail du personnel de la formation continue sont très bien décrites par les institutions. D’autres études seraient nécessaires pour analyser de manière plus précise la planification des programmes et des offres dans ces nouvelles conditions et en déduire les nouvelles compétences exigées.

Le personnel de la formation continue doit s’adapter à de nouvelles tâches

Sans aucun doute, de nombreux autres moyens que ceux décrits ici existeront pour les institutions de formation continue quand elles s’engageront sur la voie du changement. Cependant, les problématiques devraient être similaires à celles exposées ici. Le personnel des institutions de formation continue devra donc s’adapter à de nouvelles tâches qui exigeront de nouvelles compétences. Le nouveau profil de compétences du système modulaire FFA, qui conclut la partie pratique de cette édition d’EP, montre quelles pourraient être ces nouvelles compétences (cf. Schubiger dans cette revue).

Prof. Dr Erik Haberzeth, professeur en formation professionnelle supérieure et formation continue, Centre de formation professionnelle et de formation des adultes, Haute école pédagogique de Zurich. Contact: erik.haberzeth@phzh.ch

Ronald Schenkel est journaliste indépendant, il participe à la rédaction de la revue spécialisée EP. Contact: ronald.schenkel@alice.ch